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Orangé comme février – XVIII

Puis ce fut mon grand-père qui prit la parole, dit Paulinho en montrant une page du livre, comme pour prouver qu’il n’inventait rien – Paulinho parlait aux hôtes de l’alpage et au marcheur du blanc, leur premier hôte ; il leur racontait les heures qui avaient suivi la naissance de Maryam, la fille de Judith et de Peter ; son grand-père avait assisté à tout cela, puisque cette fameuse nuit de juin, lorsque Peter était descendu au village avec son cheval, c’est à la porte des grand-parents de Paulinho que Peter avait frappé en premier ; ils étaient allés réveiller la sage-femme et l’avaient accompagnée à l’alpage, avec Peter, et le cheval. Et Paulinho, bien que pas encore né à cette époque, la connaissait par cœur cette histoire, tant on la lui avait racontée.

Puis ce fut mon grand-père qui prit la parole, dit Paulinho en montrant une page du livre, comme pour prouver qu’il n’inventait rien. Mon grand-père dit à Peter que le hasard avait bien fait les choses, qu’il avait frappé à la bonne porte, celle du syndic du village – chez nous on dit syndic, ailleurs on dit maire, dans le pays d’où vous venez on dit Burgmeister, je parle un peu allemand, mais pas aussi bien que Günter, votre ange gardien, ce douanier qui n’oublie pas qu’il y a un humain sous son uniforme. Ce que Günter a fait ne me surprend pas et ne surprendra sans doute personne, mais ne vous en faites pas, je me porte garant des gens de notre village, une partie d’entre nous sommes issus de familles chassées de France par la révocation d’un édit ; déjà les religions divisaient les peuples, déchiraient les familles, alors soyez les bienvenus, vous Peter, avec Judith votre compagne et Maryam, ce cadeau du ciel. Depuis cette nuit, c’est tout un village qui veillera sur vous, nous allons sans doute vers des temps très durs, mais ici vous serez à l’abri.

Ainsi parlait mon grand-père, disait Paulinho. Et les jours qui suivants virent défiler les gens du village qui montaient, par petits groupes, présenter leurs hommages à ceux que le syndic avait mis sous la protection de la commune, Maryam, Judith et Peter. Pas un seul ne manqua à l’appel, pas un seul ne remit en question la décision du syndic, chacun semblait capable de se mettre à la place de Maryam, de Judith et de Peter.

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