Noir comme décembre
PÉRENNE
L’ouverture officielle du chapiteau – ce samedi de mi-décembre, jour de marché – est un succès inespéré. Le ciel le baptise copieusement et la foule l’adopte, la foule avec les marchands de nourriture et de boisson, bien sûr. La veille le chapiteau avait reçu un plancher, évitant la gadoue dans laquelle on se serait embourbé – fond et forme –, l’avant-veille il avait été monté – ou plus exactement dans la nuit de l’avant-veille à la veille, tandis que la maréchaussée dormait encore dans ses voitures banalisées à pneus –, mais c’est en ce jour de marché qu’il reçoit ses véritables fondations, qu’il devient indéboulonnable.
Dans la ville de Mathilde, ils se font très petits ceux qui ne défendent pas le Yéniches, on dirait que le vent est en train de tourner pour certains joueurs du Monopoly à l’échelle 1:1.
Durant la semaine qui précède les vacances de Noël, ils sont nombreux à visiter le campement, à proposer de l’aide, du matériel, de la nourriture, et caetera, et caetera. A l’école obligatoire les directeurs s’entendent – c’est aussi ça le miracle de Noël – pour que tous les cours de travaux manuels et d’art visuel aient lieu au campement. Côté nord, les élèves dressent une grande palissade en bois pour protéger les Yéniches du bruit de l’artère très urbaine, bien qu’impolie jour et nuit; on la décore – recto, verso – et on en fait un espace d’expression et d’information, comme on le verra plus tard.
Une classe – qui ne maîtrise pas encore très bien l’orthographe mais qui a bien compris les enjeux urbains – a écrit en très grosses lettres Nous voulons que le chapiteau devienne pérene et qu’il soit un forum pour notre ville. Comme il se doit, quelqu’un a rajouté un n à pérene pour qu’il y en ait deux et a écrit avec deux n, ça dure plus longtemps! Quelqu’un d’autre, sans doute un vieux cancre nostalgique, ou un prof – ce qui revient souvent au même – a écrit 10✕ pérenne, comme on le faisait autrefois. Plus loin on peut lire ça fait le même son que paix reine; Mariella est une reine qui amène, avec ses sujets, la paix de Noël à notre ville. Longue vie à Mariella, longue vie aux Yéniches!