Plus que 365 jours… (244/365)

Novembre est une fleur flammes – V

« Elga et moi sommes des enfants de l’Elbe, nés sur un bateau piloté par notre père entre Hambourg et la Mer du Nord, le tronçon le plus dangereux du fleuve; nous sommes de faux jumeaux, mais de vrais marins. Naviguer sur ces eaux n’est pas donné à tous les capitaines, aussi faut-il des pilotes, un rude métier que notre père a pratiqué toute sa vie et qu’il nous a transmis, d’une certaine manière.
Le soir de notre naissance, Papa était à la maison aux côtés de Maman. La capitainerie l’a appelé pour remplacer un collègue, une mission de routine, mener un cargo jusqu’à Cuxhaven. Papa n’a fixé qu’une condition, emmener Maman, tous les deux sentaient que notre naissance était proche, pas question de se séparer. Papa était un des pilotes les plus aguerris et la capitainerie a accepté. J’entends encore Maman rire en nous racontant qu’elle avait perdu les eaux en quittant  le port d’Hambourg à marée haute; elle nous disait ensuite, sans rire, que le travail avait duré, duré, puis riait à nouveau en nous parlant de sa délivrance, au moment où le bateau passait devant la petite ville de Glückstadt – mieux que mille fées sur votre berceau! disait Papa, ce qui n’a pas suffi, hélas, à sauver Elga.
Notre naissance a eu lieu sans incident sur un cargo suédois qui transportait des voitures aux  Etats-Unis; c’est son capitaine qui nous a baptisés – religion, marins! Nous avons passé notre premier jour en famille à Cuxhaven et nous sommes rentrés sur un bateau qui revenait d’une campagne de pêche dans l’Atlantique, son capitaine était un cousin de Maman.
Nous sommes allés à l’école, mais le plus clair de notre enfance et de notre jeunesse, c’est sur l’eau que nous l’avons passé, le fleuve, la mer et l’océan. Elga est devenue pilote et capitaine sur le Rhin, je suis devenu pêcheur en mer. »

Et Wilfred de raconter de mémorables campagnes de pêches, des rendez-vous avec sa soeur à Amsterdam, des périples nautiques en famille, et caetera, et caetera.

« A la mort d’Elga, j’ai vendu mon bateau, acheté cette petite maison, ma barque de pêcheur et je suis devenu marin d’eau douce, mais j’ai gardé des contacts dans la marine. Quand vous serez à Cologne, allez trouver Pablo de ma part, d’ici votre arrivée je l’aurai informé de votre projet.
Et maintenant au lit, il se fait tard, nous rangerons demain et Gaspard nous montrera ses talents pour la vaisselle, Jakob m’a tout raconté, tout! »
Eclats de rire dans la cuisine où l’on a mangé un délicieux ragoût, tendre et fondant comme un ragoût doit l’être.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


*

68 − = 63