Plus que 365 jours… (14/365)

Blanc comme janvier – XIV

Ici la géologie n’est pas très compliquée, elle indique naturellement le cap, il n’y a qu’à la suivre. Et lorsque elle se tort, qu’elle devient moins lisible, il y a la mémoire du marcheur qui est déjà passé par là, plusieurs fois. Et lorsque le brouillard s’en mêle, par intermittences, il n’est jamais assez fort pour vaincre le jaune des panneaux, ce jaune chaud et sucré comme du miel d’oranger.

Alors pourquoi le rythme ne vient-il pas, pourquoi les pieds ne libèrent-ils pas la tête en battant la mesure ? Pourquoi sa tête, si fraîche au réveil, est-elle entrée en ébullition ? De nouvelles failles vont-elles traverser son corps, faire remonter le vieux magma ? Il traîne les pieds, mais avance, boit, mais pas assez, oublie de manger, ne se protège pas les yeux. Du blanc partout, comme un linceul.

Est-il dans sa vraie vie, « celle que nous rêvons dans l’enfance, que nous continuons de rêver, adultes, sur fond de brouillard » ou dans sa fausse vie, « celle que nous partageons avec les autres, la vie pratique, la vie utile, celle où l’on finit dans un cercueil » ?1

La nuit le surprend face à un mur, celui d’une vieille bâtisse ; il se retourne pour fuir mais s’effondre sur une planche scellée dans les pierres.

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1 Fernando Pessoa, Fragments d’un voyage immobile, fragment 87 :

« Nous avons tous deux vies :

La vraie, celle que nous rêvons dans

l’enfance,

Que nous continuons de rêver, adultes, sur

fond de brouillard ;

La fausse, celle que nous partageons avec les

autres,

La vie pratique, la vie utile,

Celle où l’on finit dans un cercueil. »

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