Visions du monde

Ces temps, lorsque je marche dans le brouillard, mes yeux jubilent, mais chacun pour une raison opposée à celle de l’autre, alors ils s’embrouillent. Le gauche se sent dans son élément et se vautre, le droit goûte aux joies de l’extrême, il se croît le seul guide.
S’estimant un brin responsable de cette dérive, le gauche se croît obligé de déclarer au droit:
– Je reviendrai bientôt, tu verras, et tout ira mieux!
Et l’autre de rétorquer à son double embué:
– Mais tout va bien, je ne me plains pas, et d’ailleurs de quoi me plaindrais-je? Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais pu compter sur ma gauche!
– Mets-moi un cache-oeil tant que tu y es, ça clarifiera ton sale jeu!
– Tu veux que je lève le poing pour t’indiquer le droit chemin?
En général, j’interviens juste avant que ça tourne au beurre noir; une réplique suffit:
– La ferme ou je vous ferme!
Mes yeux obtempèrent immédiatement, car ils savent que mes pieds connaissent ces chemins aussi bien qu’eux, de plus, ils sont claustrophobes. Ils craignent également la concurrence d’Argos, ma béquille noire et blanche, dotée de quatre pattes et de deux yeux.
Quatre et deux six.

Nicœdème

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