Plus que 365 jours… (80/365)

Avril est vert – V

« Pierre, dit Marguerite, fréquente la librairie depuis de très nombreuses années ; au départ, c’était un ami d’Albert, mon défunt mari, et au fil des années il est devenu ami de notre couple. Pierre appartient au monde des livres, son appartement en déborde, et il écrit. Depuis qu’il est veuf, il vit un peu reclus et peine à regarder le monde ; lorsqu’il vient ici, il respire mieux, c’est comme une fenêtre qui s’ouvre, un souffle qui reprend. Je suis heureuse de ce hasard, qui pour moi est un signe, je crois que Pierre devrait passer un moment avec nous, tisser de nouveaux liens. Cependant je ne veux l’imposer à personne, d’autant que je ne suis plus la seule à présider à la destinée de ce lieu. »

Et Marguerite de regarder tour à tour Mathilde, Paola et Fernando ; à l’unisson, les trois visages expriment un accord ; tous ceux qui sont là se détendent et semblent aussi approuver, mais le silence dure. Rose le rompt et dit à Pierre en lui tendant un verre : « Merci d’être là, grâce à vous on sera dix-sept, j’aime Rimbaud et les nombres premiers ! » On se regarde, médusés, puis les verres se mettent à tinter. Pierre réalise alors qu’on attend quelques mots de lui, mais rien ne vient, tant il est surpris d’être dévisagé par ceux qu’il épiait. De nouveau le silence, mais les regards sont bienveillants, encourageants. Il se souvient soudain du livre qu’il a acheté, pose son verre et prend la parole.

– J’étais tellement absorbé par ce que j’allais dire à Marguerite – je suis venu ce soir uniquement pour lui parler – que je n’ai pas réalisé votre présence avant d’entrer. Je n’ai pas osé faire demi-tour et je suis allé me réfugier dans les livres. Le hasard m’a mis entre les mains ce roman d’Assouline, Les invités.
Et Pierre se met à lire la quatrième de couverture :

« Un dîner, de nos jours, dans la grande bourgeoisie parisienne. Afin de séduire son invité d’honneur – un puissant homme d’affaires étranger – la maîtresse de maison a convié ses amis les plus remarquables. Mais à la dernière minute, l’un d’entre eux se décommande: il n’y a plus que treize convives… Comme le dîner doit commencer à tout prix, la nouvelle « invitée » est choisie au mépris de la bienséance. Une véritable transgression. La quatorzième convive devient alors le grain de sable qui fait déraper la soirée. Pour l’émerveillement des uns, pour le désespoir des autres. Tout dîner est une aventure. »

Puis il ajoute : « Merci de votre accueil, je vous promets que le dix-septième invité ne sera pas votre grain de sable, moi aussi j’aime Rimbaud et les nombres premiers. »

Les verres se remettent à tinter.

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