Blanc comme janvier – VIII
Peut-être assez de neige, mais plus assez de temps, ce sera donc la tente et pas un igloo.
Arrivé sur la crête il a passé trop de temps à contempler les blancs qui s’offraient à son regard, en particulier ceux de cette ville qui apparaît à l’est, maintenant que le ciel est dégagé ; la nuit sera froide. Sur une page noire de son carnet, il a esquissé les contours de cette silhouette claire qui aurait presque des allures de ville nord-africaine, ou d’orient. Il suffit de cligner des yeux pour se convaincre que ces formes aux tons clairs qui descendent le coteau jusqu’au lac sont casbahs, médinas, minarets.
Il avise un bouquet de sapins ; l’espace délimité par les troncs est idéal pour dresser la tente, pas trop de grosses racines et les branches les plus basses forment comme un avant-toit naturel. Il se dit aussi que ces troncs rassemblés en forme de cercle irrégulier devaient avoir un projet commun, offrir un abri aux animaux qui passeraient par là, une sorte de tipi. Il a l’impression de monter sa tente sous un tipi, que ces arbres veillent sur lui. Non pas qu’il a peur, mais il se sent animal, tous les sens en éveil, en symbiose avec la nature, mais sur ses gardes.
La nuit qui tombe le voit cuisiner sur un réchaud rudimentaire, se nourrir, se réchauffer, se préparer à passer du temps avec elle. Elle se fait plus sombre pour lui permettre de la scruter. Il se console de ne pas bien connaître les étoiles avec des chants et des comptines resurgis des veillées de son enfance. Il rit tout seul en demandant à un ami invisible s’il pourrait porter un tronc, deux troncs, trois troncs, quatre troncs, cinq troncs, citron.
Plus tard, sous la tente, il croit entendre l’écho d’un rire venu d’ailleurs ; il pense à ceux qu’il aimait, il pense à ceux qu’il aime, et s’endort, enveloppé par la nuit.