Blanc comme janvier – VII
Du balcon, il voit la partie du jardin qui l’intéresse le plus, le potager et son carré attenant, avec le vieux pommier et le banc.
Du blanc n’émergent que les verts des poireaux et des choux portugais, pas grand-chose de plus. Les choux de son pays, visibles de loin, toute l’année, par tous les temps. Ils ont changé le paysage des jardins, ces légumes venus avec eux, encore plus discrètement qu’eux, de simples graines. Puis ils ont ajouté aux jardins de la verticalité, de la hauteur, comme eux sur les chantiers. Construire, moderniser, relier les villes, leur ajouter des couronnes -moins brillantes que celles des dentistes-, transformer les centres. Dehors toute l’année ou presque -des saisonniers-, par tous les temps, comme les choux en somme, sauf qu’on ne les voit pas, eux. Pourtant le jaune et le orange sont plus visibles que le vert, alors pourquoi sont-ils invisibles ces hommes indispensables ? Ils doivent gêner ; c’est ce qu’il s’était dit une fois, lorsqu’un type qui passait voulait photographier la grue et lui avait fait signe de se tirer ; il avait obéi, machinalement, pourtant il était dans son bon droit, il travaillait ; c’était un jour de neige, comme aujourd’hui. Maintenant, il ne travaille plus, il attend, mais il ne sait pas bien quoi.