Blanc comme janvier – VI
Dans ses souvenirs d’enfant, chaque jour avait une couleur. Pour les mois, il ne sait plus, sauf pour janvier ; ce mois avait la même couleur que le dimanche, blanc immaculé, blanc comme on se représente la neige lorsque l’on ne voit pas encore bien les gris et les bleus.
Dans ses couleurs des jours, il y avait beaucoup de blanc, passablement de vert et puis le gris. Le lundi était vert, mais vert comment ? ça se brouille dans sa tête. Le mardi, une sorte de blanc cassé, tirant sur le beurre, mais avec du gris. Le mercredi, un très beau gris foncé, proche de ce vieux chandail qu’il garde comme une relique. Jeudi comme mardi, mais avec plus de jaune, comme un beurre d’alpage au plus fort de l’été. Vendredi, un peu comme dimanche, mais avec du gris et du jaune, en fait ça ressemble à jeudi mais avec quelque chose en moins, c’est ça, jeudi moins quelque chose. Samedi était vert, mais un autre vert que celui du lundi.
Un jour, dans un musée de la ville vers laquelle il se dirige, il a retrouvé ce vert ; un crayon dans la boutique du musée. Il n’a pas osé voler ce crayon, il l’a juste emprunté pour colorier une parcelle de son carnet.
C’est le blanc qui l’a fait repartir, il en est sûr, mais il sait qu’en chemin il va croiser d’autres couleurs, d’autres nuances. Il espère remettre de l’ordre dans les couleurs de son enfance, les retrouver avec exactitude, les comprendre et peut-être aussi, qui sait, les dompter de sa main maladroite.
Marcher et penser, c’est la même chose, disait un auteur du Vieux Pays. C’est aussi ce poète qui le remet en chemin, qui l’attire vers les cimes.
Il ralentit le pas, penser, mais pas trop vite.
Oeil qui marche