Plus que 365 jours… (50/365)

Orangé comme février – XIX

Ce jour de janvier, palot dehors mais chaleureux dedans, tirait à sa fin. Paulinho était venu informer les nouveaux hôtes de l’alpage des éléments d’intendance indispensables au bon fonctionnement du lieu, et il avait aussi parlé de l’existence du livre – Chroniques – et de sa raison d’être, car il s’était rendu compte que l’homme noir ne l’avait pas fait.

La seconde guerre – celle qui avait éclaté après l’arrivée de Maryam, Judith et Peter – et l’époque qui l’avait suivie, avec son cortège de menaces, étaient révolues depuis longtemps, Chroniques n’avait donc plus besoin d’être caché sous le plancher situé sous la table, pourtant l’homme noir l’y avait remis avant de partir, sans en informer le couple auquel il avait passé le relais. Paulinho l’avait immédiatement remarqué, la règle voulant que Chroniques, témoin de la renaissance du lieu, trône au milieu de la table, car il n’y avait plus de menace extérieure et chacun devait pouvoir comprendre ce lieu – les valeurs de ce lieu – en se plongeant dans les lignes de l’épais recueil, régulièrement complété et mis à jour depuis huitante-cinq ans. Paulinho ne parvenait pas à comprendre cet oubli – ce manquement ? – de l’homme noir qu’il avait vu écrire dans Chroniques vers mi-décembre encore.

«Peu importe, dit Paulinho avant de prendre congé, vous voilà maintenant au courant de l’essentiel de ce que vous devez savoir pour être des hôtes dignes de ce lieu ; le reste vous l’apprendrez par vous-mêmes en lisant ces lignes rédigées entre janvier 1934 et décembre 2018.»
Malgré la bienveillance du ton, ces propos résonnaient comme une injonction, injonction qui semblait s’adresser autant au couple qui avait pris le relais de l’homme noir qu’à leur premier hôte, le marcheur du blanc. Ce dernier se demandait plus que jamais où était sa place ; ici, dans ce lieu consacré à l’accueil et au recueil, ailleurs, dans un lieu qu’il devait encore découvrir, ou alors à l’endroit d’où il était parti ? Il se disait que février, qui approchait à grand pas, ne serait pas de trop pour y réfléchir, sans compter qu’il brûlait de se plonger dans Chroniques.

Oui, songeait-il, l’injonction de Paulinho s’adressait aussi à moi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


*

70 − = 68