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Noir comme décembre – VIII

Cela fait longtemps que Nadine oeuvre dans l’esprit de Vivre ici, depuis bien avant la fondation de l’association.
Son petit kiosque est un observatoire idéal du quartier, de son quartier, celui de Mathilde aussi, et de Fernando, de Rose, de Robert, de Lili, de Giuseppe, de Pierre et de tant d’autres encore.
Peu de mots lui suffisent à comprendre, elle est fine et sensible Nadine. Du fond de son kiosque – qui communique avec son minuscule appartement qui donne sur un grand jardin –, parmi les enfants qui passent en rentrant de l’école, elle repère ceux qui n’ont personne pour prendre soin d’eux à leur retour et, avec l’accord des parents – des fois il n’y en a plus qu’un –, elle les installe à la table de la cuisine, les fait goûter puis surveille les devoirs et fait réciter les leçons avant d’ouvrir sa bibliothèque – des bandes dessinées, des livres d’aventures, des histoires de voyages – ou son jardin.
Nadine a eu un fils, qui est grand et vit maintenant tout seul; des fois elle voudrait bien l’aider mais ne peut pas, de toute façon lui ne veut pas;  il habite une ville lointaine, une grande ville arrogante qui en a fait un marginal, mais il s’est laissé faire, le fils de Nadine. Lorsqu’elle va le voir, elle ne reste pas longtemps et revient pleine de tristesse. La dernière fois qu’elle est revenue, c’était il y a quelques années, avec une urne dont elle a répandu le contenu au pied du grand bouleau, son arbre préféré, l’arbre dans lequel les enfants du quartier aiment grimper, le quartier du jardin de Nadine.
A quoi pense-t-elle Nadine quand elle accueille les enfants seuls du quartier, pour le goûter, pour les devoirs, pour les livres et pour le jardin? On ne sait pas, mais on dirait qu’avec son sourire mi-gai mi-triste, ses tartines, son attention et sa finesse, elle les arme pour la vie, les enfants seuls du quartier, elle les arme pour la croquer, la vie, plutôt que se faire bouffer par elle.
Personne n’est surpris que Nadine soit devenue membre de Vivre ici, personne n’est surpris qu’elle organise un goûter-souper après un de ces beaux crépuscules de décembre, personne n’est surpris que le petit kiosque et le minuscule appartement débordent de gens du quartier, personne n’est surpris que le grand jardin se remplisse d’humains reconnaissants, on dirait même que le temps avait prévu le coup, qu’il s’est fait clément pour accueillir le monde.

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