Plus que 365 jours… (27/365)

Blanc comme janvier – XXVII

Depuis ce 21 mars, le plus clair des jours de ma petite-enfance – qui prit fin brutalement vers mes cinq ans et demi – se passe dans cette pente cultivée, entre maison et océan. Avec mes parents et mes grand-parents, cet espace me nourrit, cet espace m’élève. Le plus clair de mes jours, mais aussi de mes nuits. Je suis un enfant de plein-air.

Dès fin janvier, le versant se couvre de blanc, les amandiers sont en fleurs. Ce blanc – notre neige à nous – est très fragile, le gel peut le brûler. Lorsque le blanc du givre menace le blanc des fleurs – les guerres civiles sont les plus cruelles – on allume des feux entre les arbres, avec des fagots bien secs. Feu, contre-feu.

Dès que j’ai su tenir sur mes jambes, on m’a appris à fagoter les branches des arbres que les adultes taillaient, amandiers, orangers, citronniers, figuiers, néfliers, oliviers, bref, tous les arbres qui m’ont appris les goûts et les couleurs. Plus tard, j’ai su disposer et enflammer ces faisceaux de branches pour protéger d’autres branches, celles qui étaient en fleurs, mais sans les abîmer, ni elles, ni les troncs.

Mon grand-père me montrait que les couleurs des arbres qui protégeaient les fleurs d’amandiers se retrouvaient toutes dans les flammes, orange, rouge, bleu, violet, vert, jaune… Il me disait aussi que le blanc était la somme de toutes les couleurs.

Voilà ce que j’apprenais aussi durant ces nuits qui n’étaient pas noires, ces nuits d’hiver qui étaient pour moi de véritables veillées, à plusieurs feux, à plusieurs voix, veillées durant lesquelles les adultes me racontaient des histoires ou me récitaient des vers, les vers d’une épopée extraordinaire, celle qui voit le blanc et le orange s’affronter à mort.

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