Noir comme décembre
On peut avoir de nombreuses raisons d’aimer ou de détester décembre. Moi, c’est le noir.
Rien dans mon enfance ne disqualifie le noir. Dans mes jeunes souvenirs aucun adulte n’a jeté l’anathème sur cette couleur profonde. Aller à l’école en décembre c’était, le matin, passer d’une tache de couleur à l’autre – quelques mètres entre deux réverbères – puis s’engouffrer dans le petit chemin, boyau à peine éclairé entre deux charmilles, avant de déboucher sur les dernières taches claires qui nous menaient à bon port. Rentrer de l’école en décembre c’était traîner le plus longtemps possible pour arriver de nuit. Je ne sais plus très bien à quelle heure la cloche sonnait, mais je me souviens parfaitement de ces longues minutes de bonheur passées à attendre le noir au milieu des feuilles mortes, en particulier cet après-midi de décembre, peu avant les vacances d’hiver, une lanterne à la main.
C’était une petite lanterne de rien du tout, une de ces lanternes bricolées à l’école avec du carton noir, du papier vitrail, une bougie à réchaud et un fin fil de fer, à l’aide de ciseaux, de colle et d’un poinçon. Où avais-je chipé les allumettes? ou étais-je déjà petit louveteau? je ne m’en souviens plus, toujours est-il que j’ai attendu la nuit pour essayer la lanterne que j’allais offrir à celle qui me laissait traîner sur le chemin de l’école avec toute sa confiance. Et comme elle marchait bien, ma lanterne, elle a fait le reste du chemin avec moi et c’est allumée et avec quelques jours d’avance que je te l’ai offerte; t’en souviens-tu, Maman?
Décembre est noir et je l’aime passionnément.