Plus que 365 jours… (265/365)

Novembre est une fleur flammes – XXVI

Soirée à guichet fermé chez Mathilde; on aurait été plus à l’aise Aux Yeux Fertiles, mais il n’y a pas de four à pain, ce qui n’aide pas pour une soirée pizza; et chez Mathilde il y a autre chose qu’il n’y a pas à la librairie-café-atelier, quelque chose qui est lié à la taille de l’espace, à sa configuration, à l’absence de vitrines, à la présence de carreaux aux fenêtres.
C’est dans cette intimité qu’on a rassemblé une trentaine de personnes, des humains triés sur le volet, ceux qu’on appelle pour l’instant « les gens du dixième », ce qui n’est pas très clair, il est vrai.
Autour de Robert et de Rose, une petite équipe à l’épreuve du froid et de la pluie a passé la fin d’après-midi à pétrir, à saucer, à couper, à hacher, à allumer, à entretenir, à étaler, à recouvrir, à enfourner, à défourner, à faire refroidir, à tenir au chaud, à aller et venir, et caetera, et caetera.
Et maintenant, serrés dans le grand séjour de chez Mathilde, on passe en revue les derniers détails pour l’opération du lendemain; chacun précise son poste, chacun répète son rôle. Il y a aussi des questions pour le surlendemain et les jours suivants, pour tout ce noir qui arrive à grands pas, alors on précise aussi, et on répète. Au milieu de ces précisions et de ces répétitions sur le noir qui approche il y a des blancs, des silences, c’est que les bouches sont pleines, pleines de foccacia au romarin et de jambon de Parme et que dans les gosiers ruisselle du Moscato d’Asti. Lorsque tout est clair à propos du noir, les bouteilles piémontaises sont vides et les plats ratiboisés, alors on passe au vin rouge de Calabre et les pizza entrent dans la maison comme par enchantement. Repas joyeux, dolci, caffè, grappa et tutti et tutti.
Dix heures sonnent quand Mathilde décrète le couvre-feu – c’est vrai que demain il faudra être d’attaque, disent les convives en quittant la maison par petits groupes. Seul Fernando fait la sourde oreille et se jette avec passion dans la vaisselle – une rôle de composition – mais Mathilde n’est pas dupe et le met à la porte avec toute la douceur du monde; elle aime passer en revue les images de ses journées en remettant de l’ordre dans sa maison.
– Demain soir, si tu veux, je gratterai à ta porte.

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