Novembre est une fleur flammes – XII
Elle sait que si elle entre par la porte de l’immeuble dont elle connaît le code elle le trouvera dans l’arrière-boutique en train de préparer l’ouverture, il aime que tout soit prêt à l’heure marquée sur la vitrine, que la machine soit bouillante pour le premier client, ou pour quelqu’un qui se présenterait avant l’heure.
Elle se présente avant l’heure pour lui dire que les choses avancent aux Yeux Fertiles, que l’on cherche une date pour inaugurer le coin café de la librairie et aussi l’atelier qui s’appellera Jeux d’Aiguilles; Denis s’est enfin mis à la tâche, le mobilier est prêt, le métier à tisser en phase de tests, Fatou, Jenna et Kira s’y emploient avec Hélène. Elle lui parle dans l’arrière-boutique où la vaisselle s’égoutte tandis qu’il prépare des tartines. Il voit bien qu’elle a quelque chose à lui demander mais qu’elle hésite, alors il prend les devants:
– Dans ce carton en bas de l’étagère, il y a une machine que nous n’utilisons que pour des événements extérieurs ou que nous prêtons à des clients, la même que celle que vous admirez au magasin. Un prêt de durée indéterminée, ça vous irait?
– Mais nous ne saurons jamais l’utiliser!
– Suivez-moi.
Dans la boutique, il lui met le porte-filtre double dans la main:
– Vous m’avez vu faire mille fois, à votre tour maintenant.
Ses gestes sont assurés, porte-filtre sous le moulin, porte-filtre sous la machine, deux tasses brûlantes sous le porte-filtre, lever la manette, admirer, abaisser la manette, deux sous-tasses, due espressi. Elle lui en tend un, pourtant on est dans sa boutique à lui. Il boit une gorgée, elle attend. Il dit:
– Je confirme, un prêt longue durée, avec un moulin.
Elle approche sa tasse de la sienne, la céramique tinte, ils boivent. Contrat tacite.