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Novembre est une fleur flammes – III

Journal des rives [extraits]*

*Juste avant de quitter Koblenz, à pied puisqu’ils n’ont pas trouvé de bateau, Heinrika et Gaspard ont décidé de commencer un nouveau carnet, un carnet commun intitulé Journal des rives.
Pourquoi ce titre? Parce qu’ils iront à pied au moins jusqu’à Cologne, qu’ils changeront de rive autant de fois qu’ils en auront envie et que chaque rive a son pilote, comme on l’a vu en amont de Koblenz. Naturellement c’est le pilote qui écrira; deux rives donc deux pilotes, H&G. Mais peut-être qu’ils écriront aussi à deux sur la même rive, que l’un d’eux dessinera, et caetera, et caetera.

Gaspard et moi avons été bouleversés par une rencontre que nous avons faite le soir d’Halloween dans un village à une journée de marche de Koblenz.
Chez Evi, Leo et Jakob, la soirée qui précède la Toussaint consiste à fabriquer des guirlandes de fleurs, de bonbons, de chocolats et de fruits. A l’aube de la Toussaint, Gustav, l’oncle d’Evi et de Leo, le frère de Jakob, vient chercher les orphelins et leur père et ils se rendent ensemble au bord du Rhin. Ils prient et confient leurs guirlandes au Rhin avant aller à la messe. Le lendemain, Jour des morts, comme toutes les familles du villages, ils vont au cimetière et fleurissent la cavité du mur du souvenir dans laquelle se trouve l’urne d’Elga, la mère d’Evi et de Leo, la femme de Jakob. L’urne est vide, mais eux seuls le savent. En Allemagne il est interdit de disperser des cendres dans la nature, de détenir une urne à son domicile, les autorités exercent un contrôle très strict. Gustav, le frère de Jakob, est Burgmeister et il a rusé pour que son frère et ses neveux puissent confier au Rhin les cendres d’Elga. Elga pilotait des chalands, elle était capitaine. Elle est morte en secourant des enfants tombés à l’eau. Les enfants ont eu la vie sauve, miraculeusement, pas elle. On n’a pas pu la réanimer, son coeur s’est  arrêté lorsqu’elle a vu les enfants partir dans l’ambulance. L’eau glacée et un grand choc émotionnel, selon le médecin.
Nous avons passé deux jours avec Evi, Leo, Jakob et Gustav, des jours d’une rare intensité, graves et joyeux, comme l’était Elga dans les histoires qu’ils nous ont racontées.
Parler des morts, continuer à les faire vivre.
Gaspard et moi continuons à descendre le fleuve, côte à côte, en silence, piloté par Elga, capitaine du Rhin qui naviguait entre Bâle et Amsterdam. Dieu que nous aurions voulu voguer avec elle!

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