Plus que 365 jours… (232/365)

Octobre est un foyard – XXII

Journée de pluie, journée de rétablissements. La vaisselle essuyée, on déjeune ensemble, joyeusement, une sorte de déjeuner-dîner durant lequel on refait le monde, sans les tensions de la veille. Après le monde, c’est le tour du ménage; Miu et Iruto emmènent le verre vide au molok tout proche; on ne les voit pas revenir, mais personne ne s’inquiète, une ville est belle par tous les temps; Haddock s’est retiré dans sa cabine, on est donc quatre sur le pont, Juliette dirige, Roméo seconde aidé par H&G.
Le ménage fini, Heinrika et Gaspard s’installent dans le salon-bibliothèque et se plongent dans leurs carnets; il mettent à jour, retouchent, précisent et avancent. Régulièrement ils s’échangent les carnets comme on change de rive, adoptent un autre point de vue, découvrent la rive de l’autre, scrutent la découverte de l’autre.
Miu et Iruto reviennent avec la soleil, à l’heure du thé, que l’on prend sur la terrasse, comme des lézards qui croient encore à l’été. A l’image du déjeuner du matin, le thé prend les allures d’un repas, quelque chose entre Kaffee-Kuchen et café complet; thé, café. On est six sur les dalles de grès rouges qui chauffent timidement, le capitaine est toujours dans sa cabine, ce qui n’inquiète ni Juliette ni Roméo; le vieux loup a accosté chez nous ce printemps, disent-ils, il a ses rythmes comme la mer a ses marées et ses saisons, il devrait moins boire et il le sait, c’est là toute l’histoire de sa vie; on ne peut pas le sauver de lui-même, mais on veille sur lui comme on peut, l’idée qu’il soit tout seul dehors nous est insupportable et lorsqu’il va bien il raconte de belles histoires, peut-être vraies.
La pluie revient, douce et tiède, elle aussi s’est un peu réchauffée, elle laisse aux lézards le temps de débarrasser et de rentrer sans précipitation. Heinrika et Gaspard prennent plaisir à cette eau sur leur corps, ils se mettent pieds nus et retroussent leurs manches, façon origami. La pluie les apprécie aussi, joue avec eux, se fait changeante, tantôt plus douce, tantôt plus froide, sans jamais les chasser. Ils rentrent quand elle s’arrête. En bas, plus rien ne bouge, on ne les a pas attendus pour la vaisselle, on ne dérange pas un couple qui danse avec la pluie. Ils montent – ils ont juste essuyé le dessous de leurs pieds pour ne pas salir la maison qui les accueille, mais le reste de l’eau, ils le gardent sur leur corps, pour jouer.
Dans la chambre, ils quittent leurs habits, façon chiffonnade, leur danse reprend et les draps se mettent à ressembler à leurs habits froissés. Par la fenêtre ouverte entrent la nuit et le chant de la pluie qui a repris, comme pour guider leurs jeux; ils écoutent et jouent le jeu. La pluie accélère, ralentit, chante dans différents registres, se fait caressante comme une pomme d’arrosoir, puis pomme de douche, brûlante le soir, piquante le matin, elle se fait aussi battante, mais ralentit soudain, reprise, da capo. Ils suivent la partition sans difficulté, la pluie est à leur écoute et sait les ménager. Lorsqu’elle entend que leurs corps sont au diapason, elle se fait déluge puis s’arrête d’un coup.

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