Plus que 365 jours… (220/365)

Octobre est un foyard – X

A force de couler, avec ou sans pont par-dessus, l’eau arrive à Koblenz. L’eau continue, mais eux s’arrêtent.

Elle arrive la première, s’immerge dans la ville, pose son sac dans une auberge qui l’inspire, s’immerge encore, bain de ville. Elle s’imaginait Koblenz comme une ville de ponts, alors elle est déçue mais finit par se dire que c’est peut-être mieux ainsi, que ses chances de le voir sont plus grandes. Elle s’installe au milieu d’un pont, comme une sentinelle, pourtant les passants ne peuvent voir qu’une femme assise sur un banc, qui dessine, un de ces beaux bancs comme on n’en fait plus, de style empire, avec un dossier basculant, un banc réversible; regarder d’un côté ou de l’autre, regarder alternativement des deux côtés, dire au Rhin que ses rivages sont beaux, dire à la ville que ses rives sont belles.

Lui arrive plus tard et va prendre le chemin du pont, mais sur l’autre trottoir; elle va le voir, forcément, elle est tournée du bon côté. Mais d’où sortent-ils ces religieux qui envahissent soudain la chaussée, qui déboulent de partout? De sa place elle ne voit qu’un joyeux cortège qui défile longuement sur le trottoir d’en face, large flux marron qui franchit perpendiculairement le vert de l’eau, large flux sur un large trottoir. Elle ne pense pas à regarder au milieu des franciscains s’il y a un intrus à chasser, elle considère l’ensemble, veut saisir le mouvement, dessine très vite. Il y a dans ce défilé, se dit-elle, quelque chose de la fuite d’Egypte, la joie en plus, avec de l’ivresse; ça lui plaît de se dire que les hommes ont fait des progrès, qu’ils n’ont plus besoin qu’on leur ouvre les flots, qu’ils savent désormais construire des ponts. En terminant son dessin, elle ne se doute pas un instant que Gaspard le païen est passé sous son nez, dans cette marée humaine; il n’est pas grand le païen, alors au milieu de ces grands et gros franciscains… Mais il n’était pas caché Gaspard, juste noyé dans un flot qui l’a surpris et emporté; s’il avait vu Heinrika, Gaspard, il aurait changé de trottoir pour la rejoindre, mais à l’heure qu’il est, Gaspard, il est dans une taverne où les grands et gros franciscains l’ont entraîné, une taverne où ils ont échoué, et il boit des flûtes Gaspard, au milieu des grands et gros franciscains qui savent brasser et écluser, ces religieux qui ont baptisé une bière. Franziskaner.

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