Plus que 365 jours… (20/365)

Blanc comme janvier – XX

Les mots occupent une bonne partie du volume restreint par aucun plafond. Il y a les mots des livres qui ont grimpé du sol jusqu’aux deux poutres latérales sur lesquelles s’appuient deux séries de chevrons – ces mots-là, méticuleusement rangés sur des planches qui constituent de vastes échafaudages, doivent être lourds, car les planches, bien qu’épaisses, sont cintrées ; il y a les mots qu’on échange autour de la table, de façon plus brouillonne, graves ou légers; certains montent jusqu’aux voliges, doucement ; si les larges tabatières conçues pour éclairer l’immense pièce étaient ouvertes, ces mots-là croiseraient les flocons qui se sont remis à tomber.

Dans mon enfance, dit-il, il y avait beaucoup de blanc dans la couleur de mes jours, je ne sais par pourquoi. C’est pour comprendre cela que je me suis mis en route, je ne pense jamais aussi bien que quand je marche. Mais en deux jours à peine, le blanc m’a aveuglé. Une croix aperçue au loin – peut-être un mirage – m’a fait penser à un terrible deuil survenu un mois de janvier. J’ai marché comme un somnambule, oubliant les règles élémentaires de la marche au long cours, et face au mur de votre maison, j’ai cru voir l’enceinte du cimetière, alors j’ai voulu m’enfuir – je ne veux pas être inhumé, j’aimerais voleter d’un paysage à l’autre, comme un flocon, sauf que je serais gris -, mais je me suis effondré sur le banc fixé à votre mur, et vous m’avez fait entrer.

Les gobelets sont de nouveaux remplis, des victuailles apportées sur la table. Il reprend des forces. Eux et lui, leur hôte, n’ont pas peur du silence, ni des nuits que l’on passe à converser.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


*

− 2 = 1