Septembre est une jardinière de prunes – VI
Hospental, le 6 septembre 2019
Gaspard, Mon Cher Gaspard,
Il me tarde de te revoir, et toi?
Je t’écris poste restante, assez brièvement, dans l’espoir que ma lettre soit terminée à temps pour partir par la dernière levée du jour. Il me semble que le ciel est en train d’exaucer mon voeu d’être avec toi: ici c’est l’hiver, figure-toi que le col est fermé! Anton est inquiet, les orages de l’été et les pluies de ces derniers jours ont mis la région à rude épreuve: chutes de pierres, éboulements, dégâts sur les chaussées, glissements de terrain et maintenant la neige! Ici on a certes l’habitude de ses courtes apparitions de septembre, ces petits blancs typographiques qui nous font espérer l’hiver, mais que dire d’une pareille quantité! Anton, passe de plus en plus de temps à l’auberge, Odile et lui semblent travailler à réduire la distance-temps qui les sépare, une forme de quête du zéro, de danse de la fusion – un peu comme nous, non ? Anton donc, est souvent ici et nous dit que la fermeture hivernale de la route sera sans doute décrétée ces prochains jours; il est question de procéder à des réparations avant l’hiver pour éviter que la neige et le gel ne fassent encore plus de dégâts, à moins que l’hiver ne s’installe pour de bon, auquel cas la route du col ne réouvrirait qu’en juin, ou plus tard. Quoi qu’il en soit, je me prépare à fermer l’auberge ces prochains jours, ici la belle saison a été en dents de scie, cruelle comme les Gastlosen, et je ne souhaite pas courir le risque d’un automne morose et d’un hiver itou.
Gaspard, ô mon Gaspard, me vois-tu venir? J’aimerais te rejoindre au plus vite, et toi? Il me tarde de recevoir ta réponse.
Permets-moi d’emprunter ta formule et de t’envoyer deux becs et une bise. (Dans ma tête, je te serre dans mes bras.)
Heinrika