Plus que 365 jours… (177/365)

Août rougeoie – XXV
Lieux et dialogues de l’été
XXIV
Babel ou jardin de curé?

Est-elle perdue la dame toute ridée qui déambule dans cet espace mi-clos la tête couverte de paille?

Elle n’y voit plus très clair mais distingue M. Licht qui agite sont chapeau en guise de salut et l’invite à bavarder dans son patchwork de fleurs.
– Avant octobre je vous emmène au Palais Lumière, il y a une très belle exposition sur L’expressionnisme allemand, on ira en bateau.

Elle n’entend plus très bien mais reconnaît le tintement de la cuillère dans le verre. C’est l’heure du thé qu’elle aime prendre avec Mlle Clerc, au milieu de ses carrés de plantes médicinales.
– Mon concubin était Marocain, il adorait cette menthe qui se mariait si bien avec les pignons qu’il recevait de sa famille restée au pays.

Elle n’a plus tout son odorat mais retrouve toujours le chemin de la tonnelle du jeune couple portugais qui l’invite le dimanche.
– Sans thym et sans marjolaine il manque quelque chose aux sardines grillées, c’est ce qu’on dit dans notre village.

Elle n’a plus toutes ses papilles mais lorsque elle maraude une mûre pas mûre, elle grimace de plaisir; si son amant était avec elle – le dernier, celui qui a filé avec une moins ridée –, elle lui dirait:
– Allons faire catleya dans la cabane au Marcel, on ne risque rien, il ne rapplique jamais avant midi!

Elle ne sent plus bien le sol sous ses pieds, avance à petits pas en s’aidant d’une canne mais adore se perdre dans ce labyrinthe où les orties lui caressent les jambes tandis que les épines des roses lui mettent du rouge aux bras.

Ces jardins familiaux sont pour elle un Éden, un avant-goût de l’éternité à laquelle elle ne croit pourtant pas.

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