Blanc comme janvier – XV
Un bruit sourd de l’autre côté du mur. Ils s’interrompent, se regardent, sortent.
Il n’a pas l’air bien, il dit. Il n’a pas l’air mal, elle dit. De longs instants, il ouvre les yeux, le regarde lui, la regarde elle et lui sourit en disant, vous avez raison, ça va mieux. Il se lève, elle le prend par le bras, lui les précède, ils entrent.
Une pièce, immense, avec une table, à l’échelle de ce qui semble être une cuisine, mais aussi un salon, une bibliothèque, un atelier. Lui s’affaire, elle s’assied avec lui. Il les rejoint avec un plateau, sur le plateau un cruchon et des gobelets en terre, du pain, un bol avec des cristaux blancs aux reflets gris ; on voit que c’est du sel, assez grossier, mais lui les regarde comme des fragments d’enfance, ça s’approche de la couleur du vendredi. Elle coupe une fine tranche de pain, la divise en trois, ajoute à chaque morceau une pincée de sel et donne à chacun sa part. Pendant ce temps, lui a rempli les gobelets et les a poussés vers chacun. Elle regarde leur hôte en disant bienvenue sous notre toit et porte le sel à sa bouche. Il remercie et les imite. Les gobelets sont ensuite levés, entrechoqués, on se regarde et on boit.
Il tire le carnet de sa poche, tourne les pages et ajoute un mot à ce qui semble être une liste. Sel. Ils regardent, ne semblent pas étonnés. Reconnaissant de leur accueil, encouragé par leurs regards, il se met à leur parler du blanc, du mur qu’il a cru reconnaître, du grand deuil qui l’a frappé, lui et ses proches, un lointain mois de janvier. Ils écoutent, se taisent, puis parlent à leur tour; il est question d’hospitalité, de sel, de symboles et de leur vie dans ce lieu.