Trompettes de juillet – VIII
[journal du marcheur – extraits]
brouillard – brouillon
Défini simplement, le brouillard est un ensemble de gouttelettes en suspension au-dessus du sol; l’air contient de l’humidité et lorsqu’il se refroidit cette humidité se condense et le brouillard se forme.
Il faut que l’air se réchauffe pour que le brouillard se dissipe. C’est beau de voir le soleil derrière le brouillard juste avant qu’il le perce, un rayon après l’autre.
Comment le brouillard se forme-t-il dans notre tête? Faut-il que notre tête se réchauffe pour dissiper ce brouillard intérieur? Faut-il la mettre au soleil, notre tête? C’est beau d’imaginer des vers qui se faufilent, mot après mot, à travers le brouillard de notre tête et ressortent par notre bouche pour former des versets comme des amis s’assemblent pour boire des verres, des amis qui seraient sortis l’un après l’autre d’un labyrinthe et fêteraient leurs retrouvailles après des années d’enfermement, d’isolement, de séparation.
Les mots – qu’ils forment ou pas des vers – ne sont-ils pas les rayons de soleil qui dissipent le brouillard de notre tête? Les vers ne sont-ils pas comme les amis, grands, petits, patauds, élégants, bien ou mal assortis mais porteurs de sens? Pourquoi certains mots forment-ils des vers? Pourquoi devient-on amis?
Parmi les vers qui sortent de ma bouche, parfois accompagnés de brouillard quand il fait froid – le froid peut-il faire sortir le brouillard de notre tête? –, il y a des vers très anciens qui ont dû cheminer longtemps à travers un brouillard très épais, comme l’eau de source qui a traversé un géologie profonde, mais il y a aussi des vers plus jeunes, des vers qui ont aussi traversé du brouillard, mais moins épais que la vieille brume, une sorte de voile léger, entre bruine et buée d’un matin d’été au bord d’un étang, un étang dans lequel des muses feraient leurs ablutions après avoir quitté sur la berge leurs habits de mousseline claire, des robes blanches.
Ayant relu ces lignes
je me dis qu’il faudrait
en faire quelque chose
de plus construit
de moins brouillon.
[Penser à en parler aux muses, l’une après l’autre.]