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Ardeurs de juin – IV

Dessin réalisé par H. dans le cahier noir à partir d’un texte de G. écrit dans ce même cahier noir, texte écrit à partir d’une phrase tirée du carnet de marche de G.

AVERTISSEMENT
Comme ce blog ne diffuse pas — encore ? — de dessin, le dessin de H. pour G. est décrit ci-dessous, mais de façon non exhaustive.

Un peu comme un enfant qui redemande chaque soir son histoire préférée et qui finit par la savoir par cœur — ce qui ne simplifie pas la tâche de celui qui raconte —, Gaspard ouvre régulièrement son cahier noir à la page du dessin d’Heinrika et découvre chaque fois un nouveau détail ; comme dans un dessin de Sempé, mais dans un style très différent, ça foisonne, Heinrika a imaginé une multitude de petites scènes — de véritables saynètes.
Ça ressemble à une scénographie qui s’articulerait autour de trois jardins, de ces jardins miniatures qu’on peut poser sur un balcon ou que l’on commence à voir fleurir timidement dans certains espaces publics : un socle surmonté d’un cadre rempli de terre.
Au milieu de ces jardins rectangulaires il y a chaque fois trois tuteurs plantés en ligne, parallèlement aux plus grands côtés des rectangles ; le tuteur du milieu est grand, les deux autres sont de taille moyenne ; sur chaque tuteur il y a des tuteurs secondaires, fixés perpendiculairement, on dirait des mâts et leurs vergues. Le long de ces bois poussent des plantes garnies de fruits, de légumes ou de fleurs, et ces plantes sont recouvertes de filets verts, on dirait des voiles. Autour des plantes qui grimpent le long des mâts on voit des fraisiers, du persil, du basilic, une ciboulette en fleurs, de la salade à tondre, de la menthe, on devine des radis, des oignons, on dirait même qu’il y a de l’ail.
Tout cela peut sembler banal, mais une chose fascine Gaspard, chaque jardin est habité. De petits personnages vivent dans ces jardins-vaisseaux, certains s’activent dans les voiles ou sur les ponts, tandis que d’autres sont au repos, on dirait des équipages. Ce sont les scènes qui se passent sur les ponts qui sont les plus difficiles à repérer, alors telle une vigie du haut de son mât, Gaspard scrute les verts, les rouges et toutes les couleurs de ce qui pousse par-dessus ces Lilliputiens. Il n’a pas encore tout vu, mais déjà il a ses scènes préférées : le cuistot  rondouillard qui s’est perché sur un escargot pour attraper une fraise qui manque de l’écraser, le couple qui s’exerce à s’embrasser à l’ombre du persil, se croyant à l’abri des regards — oui, sur les trois bateaux les équipages sont mixtes —, la jalouse qui les regarde s’embrasser, le bêcheur qui ne veut embrasser personne, la bêcheuse qui aimerait bien instruire le bêcheur, une partie de balle à deux camps, une capitaine — oui, ça existe, tonnerre de Brest ! — et son second, rouges comme des tomates, et qui s’engueulent, bref, toutes ces scènes qui font le sel de la vie, les joies du quotidien des équipages qui voguent vers l’inconnu.
Heinrika est restée très vague sur le décor dans lequel évoluent les trois bateaux, mais il est clair qu’ils naviguent de conserve, vers l’ouest. Elle aurait pu leur donner des noms espagnols, mais elle a préféré les baptiser en fonction de leurs mâts : le premier s’appelle Capucine, le second Framboise et le dernier Tomate-Cerise, c’est le navire amiral.

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