Plus que 365 jours… (113/365)

Neige de mai – XVI

C’est fou comme ça délie les langues, la tortilla, surtout lorsqu’on l’accompagne de Rioja – on comprend ici qu’il doit y avoir dans la cave d’Hospental d’autres crus que les vaudois, les valaisans et les alsaciens dont il était question à l’épisode 93, il faudra donc que l’on se penche à nouveau sur cette cave, dans l’idéal qu’on y redescende, mais pour l’instant, on est sur la terrasse, à table, à trois, on mange, on boit, on défait et on refait le monde, à s’en donner les tournis. Les amateurs de sieste honnête n’évoquent pas les couvertures, ni la rêche, ni la douce, et la briseuse d’oeufs reste très vague sur sa journée de congé, un peu décevante, dit-elle, – j’ai eu une chute de pression alors je suis remontée.
On parle de l’hypothétique date de l’ouverture du col, du réchauffement climatique, de la météo anormale, de ce qu’il faudrait faire, de ce qu’il ne faudrait pas faire, de ce qu’il ne faudrait plus faire, etc., etc.
Odile remplit et reremplit les verres, mais boit à petites gorgées tout en poussant les autres à boire, elle oriente la discussion, questionne Heinrika et Gaspard sur leurs échanges de mots et de traits, leur demande s’ils écrivent un livre, cherche à savoir de quel côté Gaspard redescendra quand il sera enfin au sommet, s’il reviendra, s’il restera, etc., etc. Elle fait aussi de grosses allusions à la fuite d’Andreas et de Maria, mais Heinrika et Gaspard tiennent bien l’alcool, ne s’échauffent pas et reparlent du climat, des élections de l’automne, etc., etc. 
Odile perd patience, son visage redevient rouge, plus vif que le Rioja,  s’en sert un grand verre, de Rioja, le vide cul sec et lance un pavé dans la marre :
– Si cette calabraise ne m’avait pas devancée, c’est moi qui foutais le camp avec Andreas !
– C’est en effet ce que j’ai entendu dire, répond calmement Heinrika.
Tout aussi calmement, Gaspard demande si quelqu’un veut du café. Les femmes le fusillent du regard – se foutant bien des récentes votations – et répondent, presque comme un choeur de tragédie :
– Fais la grande cafetière, la nuit va être longue !
Dans la cuisine, l’homme se demande s’il a eu raison de laisser les deux femmes seules sur la terrasse. Il tend l’oreille, espérant que des bruits de claquettes ne vont pas couvrir le chuintement de la cafetière, une italienne de 18 tasses. Il entend alors une voix qui crie :
– Et amène le kirsch !

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