Yggdrasil cycle 2, l’arbre à palabres
Épisode 19
Une table au pied d’Yggdrasil
[Précisions de la rédaction
Quelques indices nous laissent penser que des liens sont en train d’être tissés entre ce feuilleton et un public naissant – fils invisibles. Il nous semble dès lors judicieux de faire en sorte que ces fils ne se détissent pas, même si, comme on l’a vu dans certains épisodes précédents, nous ne détestons pas la mythologie grecque – Pénélope, si tu nous lis, on t’embrasse et sache qu’on respecte beaucoup ce que tu fais, et caetera, et caetera –, d’autant plus judicieux que le rythme de parution des épisodes est encore chaotique – oui, on en a conscience –, et qu’on vous a promis, public naissant :
– une liste des personnages qui sera régulièrement mise à jour;
– la genèse du feuilleton;
– un résumé des épisodes 1 à 16, avec correctifs, car la genèse a eu des ratés;
– et peut-être autre chose…
et que vous attendez toujours. Et voilà que l’épisode 19 apporte encore des complications, au niveau des titres et sous-titres en tout cas ; mais on en est où là ? auriez-vous le droit de dire, c’est quoi ce cycle 2 ? et pis d’abord i’ sont où les cycles 0 et 1, hein, i’ sont où ?
Pas de panique, tout est clair, jugez-en par vous-même, public naissant :
Yggdrasil, cycle 0 – naissance, adoption-transplantation, baptême, renaissance, enracinement
Né au bord de la source où Alcide fut conçu, le petit frêne est transplanté dans le jardin de Vera et de Roger, baptisé Yggdrasil, déclaré jumeau-aîné d’Alcide et se met à grandir dans le jardin, comme Alcide, sauf qu’Yggdrasil dort dehors, des fois avec Alcide, Vera et Roger à ses pieds – c’est une image –, quand le temps le permet.
Yggdrasil, cycle 1, l’arbre à papotes
Yggdrasil croît rapidement – l’eau de la source qui l’a vu naître avait peut-être des vertus particulières – et offre une belle ombre dans la jardin. Il devient le lieu principal où l’on raconte des histoires, pour les petits et pour les grands. Alcide et Yggdrasil s’enrichissent de ces histoires.
Et avec l’épisode 19 débute le cycle 2 d’Yggdrasil, cycle intitulé l’arbre à palabres, car il en faudra des palabres pour que le permis d’habiter dans cette maison de paille qui résiste aux orages soit délivré par les autorités compétentes – c’est une image.]
Voilà, on est prêts ? Alors allons-y, public naissant, entamons cet épisode 19 qui ouvre le cycle 2 et s’intitule, rappelons-le, Une table au pied d’Yggdrasil…
L’orage passé, on se réunit donc au pied d’Yggdrasil pour faire le point (cf. épisode 18). Il y avait Vera, Célestine, Eric et Roger, sans oublier Alcide, qui ne perdait pas un mot, attentif comme son frêne jumeau – Alcide et Yggdrasil allaient acquérir beaucoup de maturité entre la Saint-Louis et la Saint-Martin.
– Nous devons avertir les autorités locales avant que ce fâcheux fonctionnaire-incendie ne le fasse, et en particulier le syndic, déclara Eric; nous devons avouer nos demi-mensonges, assumer nos demi-vérités, expliquer notre projet et tenter de convaincre.
– Tu as raison, je file chercher le syndic, à cette heure il doit avoir soif, dit Célestine avant d’enfourcher sa bicyclette.
Vif comme l’éclair, Alcide sauta sur le porte-bagages; aucun adulte n’eut d’objection, tous étaient conscients qu’en présence d’un enfant le syndic n’aurait pas de montée de lait – plutôt joli garçon, le syndic était très soupe au lait.
Le temps qu’ils reviennent, Yggdrasil fut témoins de la stratégie que Vera, Roger et Eric mettaient en place pour convaincre les acteurs clés de ce problème dont on craignait qu’il ne devienne kafkaïen – plus tard, bien plus tard, Alcide lira Kafka sous Yggdrasil, à voix haute, pour que son frêne jumeau n’en perde pas une virgule, mais n’anticipons pas, voici justement le syndic qui arrive, il marche joyeusement à côté de Célestine qui pousse son vélo, Alcide, lui, a eu le droit de rester sur le porte-bagages.
La petite troupe est très gaie et s’installe autour de la table que l’on a dressée au pied d’Yggdrasil – les autres s’étaient levé pour accueillir le syndic. Roger verse, chasselas pour les grands, jus de groseille pour Alcide et Vera fait passer les flûtes au beurre ; en retrait, tel un saint, Eric observe la scène, Célestine a-t-elle déjà annoncé la couleur au syndic ? Il ne le pense pas, l’homme jovial, bientôt rubicond, se réjouit de la couleur du vin, sans plus; alors, tel un Judas, Eric se dit qu’il est temps d’envoyer le signal et lève son verre :
– A votre santé, Monsieur le Syndic, à votre santé mes amis, à ta santé mon petit Alcide et…
– Je suis grand, en vérité ! l’interrompt Alcide en se levant d’un bond.
– Alors à la grandeur et à la vérité ! ajoute le syndic.
– A la grandeur et à la vérité ! reprennent les adultes en choeur.
– Et au permis d’habiter, ajoute Alcide.
Pour masquer leur surprise, les adultes se cachent derrière leur verre et le vident d’un coup. Silence. Regards.
– C’est ce que je voulais dire quand j’ai été interrompu, poursuit Eric, et au permis d’habiter !
Roger remplit le verre du syndic.
– Voilà, Monsieur le Syndic, on ne vous a pas tout dit, mais allons-y, ce sera plus simple in situ et de visu, enchaîne Célestine.
Alcide ne sait pas encore le latin – il l’apprendra bientôt grâce au jardin – mais se lève, prend le syndic par la main et emmène son monde au bâtiment à usages agricoles, à quelques enjambées de la table à palabres que l’on vient d’installer au pied de l’arbre du même nom.