Ici et là – IV

Ponts, fils – où l’on comprend qu’un toit sans fenêtre en ouvre quand même, des fenêtres

2 chapiteaux donc. Un ici et un là.

On connaît déjà celui d’ici – il est bleu, il a été mis à disposition par un certain Walter, il a été planté sur « une nouvelle place de la ville », il est devenu un forum ouvert à tous ceux qui rêvent de prendre de la hauteur sans goudron ni béton, un carrefour pour funambules ne rêvant pas de marcher sans fil, une fenêtre qui ouvre sur un avenir différent de celui voulu par les autorités – alors parlons de celui de là.

Celui de là est né de celui d’ici. On se souvient en effet, épisode d’hier, que dès le printemps, le chapiteau bleu est aussi devenu un lieu d’accueil pour les démunis, les laissés-pour-compte de la pandémie et que quand il n’a plus suffi on en a trouvé un autre qu’on a mis là, dans le bourg, tout près d’Yggdrasil. Voilà comment ça s’est passé.

Sociable comme il est, Alcide s’était mis à parler des gens de la ville aux gens du bourg, son bourg, il parlait de Mathilde et de ses amis, des Yéniches, des caravanes, du chapiteau. Et les mots d’Alcide touchèrent les oreilles de son voisin paysan qui élevait des brebis bio qui faisaient le beurre de Perrine. M. Eicher, c’est le nom de l’éleveur bio, vient un soir chez Alcide et fait une sorte de coming out au pied d’Yggdrasil, devant des auditeurs médusés – Alcide, Vera, Roger, Célestine et Eric.

« Je suis Yéniche moi aussi, je suis venu me sédentariser en romandie, je n’en pouvais plus d’être stigmatisé, d’être rejeté, moi le nomade avec ma roulotte et mon cheval. Maintenant je veux affirmer mes origines, en être fier et apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin; comment soutenir le chapiteau bleu, les Yéniches et les démunis qu’ils accueillent? »

La lectrice et le lecteur devinent comment un second chapiteau fut planté sur le terrain de M. Eicher, le voisin d’Alcide, Vera, Roger, Célestine et Eric. Mais d’où sortit-il ce second chapiteau qui était rouge et blanc et qui l’est toujours ? D’un chapeau ? Mais non lectrice, mais non lecteur, il sortit des réseaux yéniches, invisibles et humains, ces réseaux qui ouvrent de nouvelles fenêtres tout comme les chapiteaux-refuges et forums qui n’en ont pourtant pas, de fenêtres, les chapiteaux.

A demain.