Ici et là – III

Ponts, fils – où l’on voit qu’un toit peut se reproduire,  donc ouvrir de nouvelles fenêtres

1 chapiteau est arrivé ici en décembre dernier et, juste avant lui, des Yéniches avec leurs caravanes. Il est toujours là le chapiteau, et les Yéniches aussi.

Aux yeux des membres de l’association Vivre ici, ils sont comme tombés du ciel, les Yéniches, une sorte de bénédiction. Certes l’association faisait déjà changer la ville, pas à pas, en douceur, un peu en désordre mais avec un cap, mais c’est bien lent, se disaient les membres de l’assoce et leur nombreux sympathisants; avec les Yéniches, on est monté de plusieurs crans, d’un coup, le souk dans la ville, le cauchemar des autorités, une ZAD en plein dans un plan de quartier, du jamais vu, une occasion de réveiller la ville, des gens sommés de prendre position, en plein mois de décembre, obligés de se souvenir que le mois des cadeaux est lié à une vieille histoire, très vieille, celle d’un couple qui marche une nuit de décembre, celle d’une femme et d’un homme qui deviennent parents dans une étable, entre un âne et un boeuf, sans dinde ni foie gras, la fête des SDF en somme; alors oui, ils sont tombés du ciel les Yéniches, ils sont venus rappeler cette très vieille histoire. Mais que font-ils toujours là, un an c’est long ?

La ville – ici – les a adoptés, leur a promis qu’ils pourraient revenir quand ils voudraient, qu’il y aurait toujours de la place pour eux ici, sur cette place, leur place, la Place du Cirque.
Ils pensaient partir au printemps, mais la pandémie est arrivée, alors ils sont restés ici et ont fait de leur chapiteau – le chapiteau bleu qu’ils avaient reçu de Walter, alias W. – un lieu d’accueil pour les démunis, les laissés-pour-compte de la pandémie, repas chauds, réconfort et dortoirs de fortune. Et les autorités n’ont rien pu faire contre, sous le chapiteau distances et gestes barrières étaient respectés, la population d’ici se démenait pour ravitailler la crèche bleue et se relayait pour faire rempart contre la maréchaussée, cette pitoyable troupe du roi hérode, avec minuscule. Et quand le chapiteau bleu n’a plus suffi, on en a trouvé un autre qui, grâce à Alcide, avec Majuscule, a été installé là, c’est-à-dire dans son bourg natal, à un jet de pierre d’Yggdrasil, son frêne jumeau.

A demain.