On se retrouve en septembre

L’an dernier, le blog a rougeoyé en août, tous les jours, du premier au dernier.
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas, cette année le blog part avec les aoûtiens et ne revient qu’en septembre.
Et si le blog vous manque, replongez-vous dans les Lieux et dialogues de l’été, c’était ici, en août 2019.
Et quand le blog reviendra, il sera rempli de surprises qui se dérouleront quatre mois durant, jusqu’en décembre, le 31.

Oui, chère Lectrice, oui, chers lecteurs, on comprend votre déception – et peut-être que le mot est trop faible pour vous –, sans doute auriez-vous aimé que les histoires perchées d’Alcide et de sa bande se poursuivent au fil de ce mois rouge, comme en août dernier, cependant,  comme on le disait plus haut, les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Pourtant, comme chaque année, septembre arrivera plus vite que prévu, et avec lui les routines, et caetera, et caetera. Ou pas.
Sachez-le, chers lecteurs, sache-le, chère Lectrice, septembre renouera avec ces histoires, peut-être en en racontant quelques-unes, mais surtout en révélant leurs effets. Et on verra alors que les histoires, du moins certaines d’entre elles, ont furieusement tendance à se rejoindre, à s’enrichir et – mais n’en disons pas plus, sinon à quoi bon se revoir en septembre?

Que votre mois d’août prenne les couleurs que vous désirez, chère Lectrice, chers lecteurs, et attention aux coups de soleil.

J’ai eu 20 ans l’année du Grand Confinement – épisode 52/x

Épisode 52
FRAGMENTS – III

(sans titre)
Ce matin, le circonflexe est là, majestueux, avec, à sa gauche, une sorte de nuage-fil, un trait d’union éphémère qui le relie à sa voisine bleue, le Pic de la Corne. Soudain, le paysage s’anime et je vois gambader des chèvres, sauf la blanche qui reste accrochée à son Pic, sans doute celle de Monsieur Seguin.

(sans titre)
Ça ressemble à l’autre jour – le jour où la dent d’Oche avait la tête dans les nuages – et ça ne ressemble pas, les deux en même temps.
On ne voit pas les Muverans. Là où le lac se resserre – on dirait presque qu’il se ferme –, vers l’embouchure, l’horizon est barré de nuages déguisés en glacier; on dirait des séracs, mais en plus rond, prêts à se jeter dans le lac pour adoucir une canicule.
Plus à l’est, on ne voit pas grand-chose; toutes les têtes qui dépassent sont dans les nuages – ça doit être pour ça que, dans ce pays, on n’aime pas les têtes qui dépassent –, on ne voit que les autres, celles qui ne dépassent pas.
Plus loin, le Salève fait toujours le gros dos, sans son jet – on n’aime pas les têtes qui dépassent –, face au Jura qui est perplexe, comme un caillou posé sur une feuille, façon presse-papier. La feuille est immobile, verte et lisse, pas la moindre ride; je la préfère quand elle danse et m’invite dans ses vagues.

(Adieu, les nuages)
Ciel bleu, légèrement brumeux, petite brise, toute petite. Quand la brume sera levée, le bleu sera pétant, très sûr de lui, trop sûr de lui, façon carte postale – Monsieur le Directeur, je ne remonterai pas le Rhône pour vous présenter ma démission, elle s’appelle Mireille, habite Arles et a de très beaux yeux… Il faut savoir que les Muverans existent, tant ils sont voilés, eux et toute leur chaîne. De petits cumulus s’étirent entre les Jumelles et la Dent d’Oche, juste pour souligner le ciel. On ne souligne pas le ciel! souffle la brise que se fait vent pour les pousser au soleil qui n’en fait qu’un pchitt.

(Adieu, algues et nuages)
Aujourd’hui, j’arrive en même temps que la faucardeuse. Une de ses collègues a déjà dû passer dans le ciel, pas une trace, rien, les montagnes son nettes, on voit même les Muverans, le Grand et le Petit, qui se donnent la main pour sauter dans le lac, sous le regard attendri du Mont Crémeux, si onctueux ce matin.

(sans titre)
Pas de Muverans, ce matin, à moins que ce soit cette ligne ténue que je crois apercevoir dans le contre-jour, juste derrière la brume.

J’ai eu 20 ans l’année du Grand Confinement – épisode 51/x

Épisode 51
FRAGMENTS – II

(sans titre)
La Dent d’Oche n’est pas encore levée, elle a la tête dans un épais coussin qui va du gris bleu au blanc crème. On voit la plupart de ses voisins, qui sont moins élevés – vus d’ici en tout cas –, ces sommets sont sous le traversin, pour l’instant, car il commence à se déchirer et des lambeaux descendent pour envelopper de nouvelles têtes; alors ces sommets ne sont plus des sommets – ils sont là mais cachés –, les montagnes étêtées forment une masse uniforme, l’horizon devient une barre bicolore – les bleus des roches et les blancs des nuages – et à ses pieds, tout agité, le lac danse dans les verts.

Plus tard, je lève un instant les yeux de mon livre – je suis plongée dans l’extraordinaire Swift – et j’imagine les mains d’un géant invisible qui a rassemblé d’un coup tous les nuages entre le Grammont et le Mont Ouzon, il a dû serrer très fort car ils forment des couches verticales collées les unes aux autres, des sortes de dominos arrondis posés sur les montagnes anguleuses nées des forces tectoniques qui, comme un géant invisible, soulèvent des couches horizontales, les plissent et les serrent comme des poissons en conserve, sauf que la boîte serait debout.

Et le lac danse toujours, plus vert que jamais, par-dessus lui il y a les dominos des montagnes, anguleux, par-dessus eux il y a les dominos arrondis des nuages, agencés comme une barbe à papa, sauf qu’elle serait couchée et pas debout sur sa baguette.