La suite, la suite…!

On y vient, on y vient, mais doucement…! Repassons la parole à l’auteur.
Attention, propos gratuits (mais seulement au sens propre)!

Vous l’avez bien compris, chère et chers, je rêvais d’être seul et nous voilà six autour d’une table ovale à Lisbonne en soirée. Explications.
Train de nuit pour Lisbonne, j’en rêvais depuis longtemps, j’attendais juste une fenêtre. La fenêtre est venue, quelques jours devant moi. Tout se passe comme sur des roulettes jusqu’à Hendaye, là-bas, premier grain de sable, ou de sel, comme on voudra; j’aurais dû m’en douter, on est au Pays basque, français certes, mais basque. Début de soirée, le train s’ébranle doucement direction Lisbonne, douze heures de bonheur m’attendent. Seul dans mon compartiment à deux, j’ai déjà sorti mon carnet, quelques livres, une carte, mon plumier, le pique-nique, tout ça sur le plumard, quand la fenêtre s’ouvre, pas celle de quelques jours, l’autre, celle avec une vitre en verre, qui coulisse. Donc, la fenêtre coulisse et le narrateur se pointe sur mon plumard, celui sur lequel j’avais déjà étalé mon carnet, quelques livres, une carte, mon plumier, le pique-nique. Je reste muet, de stupéfaction, croyant me souvenir que j’avais donné à mon narrateur une fenêtre de quelques jours, entre le 23 janvier et le 2 février, pour être précis, afin qu’il aille voir ailleurs si j’y étais. Avant que j’en place une, voilà qu’il se met à pérorer:
– On voit bien que tu es stupéfait, ce qui n’est pas bon signe, mais passons. Je ne pensais pas qu’en partant à Lisbonne voir si tu y étais tu y serais. Je me disais qu’un auteur comme toi n’irait quand même pas voir ailleurs si ses personnages y étaient, tout ça sous prétexte qu’il avait une fenêtre de quelques jours, plus une nuit!
J’aurais dû lui demander ce qui le poussait, lui, à aller à Lisbonne, mais je n’en ai rien fait. J’ai débarrassé le plumard et on a partagé le pique-nique, sans un mot. Je savourais d’avance l’arrivée du contrôleur qui ne manquerait pas de se débarrasser du narrateur sans billet, mais ma stupéfaction n’allait pas tarder à revenir, un peu comme quelqu’un qu’on flanque à la porte et qui revient par la fenêtre. Le contrôleur arrive, contrôle mon billet, me regarde et dit:
– Vous voyagez toujours avec votre narrateur?
Devant mon silence, il regarde le narrateur et ce dernier lui tend la carte famille, tout sourire.
– Bonne nuit! qu’il nous fait, et si vous chercher une bonne adresse à Lisbonne, allez à la Taberna Sal Grosso.
On y est allé. Et on s’est cassé le nez sur Mathilde et Fernando qui eux-mêmes s’étaient cassé le nez sur Heinrika et Gaspard, voyez le tableau! Je vous raconterai ça un de ces jours, mais là faut que j’vous laisse.

Ah oui, encore une chose, non deux; la suite, y en aura plusieurs. La première, classique, pour raconter ce qui suit, dans la ville de Mathilde, sur les chemins de Gaspard, et peut-être d’Heinrika. La seconde, moins classique, boucher les trous, revenir en arrière, préciser, relier, retrouver des personnages, et caetera, et caetera. La première suite sera numérotée de 304 à 3XX, la seconde, Franges des jours III à X.
La deuxième chose c’est qu’il n’y a plus de date, les suites viendront quand elles viendront, un peu comme une fenêtre qui s’ouvre alors qu’on avait prévu d’être seul…