Noir comme décembre
REVENIR ? Seconde lettre à Mathilde
Mathilde, ma chère Mathilde,
Comme tu as dû le lire entre les lignes de ma dernière lettre, depuis que nous sommes arrivés à Rotterdam, Pablo, Fredo, Heinrika et moi avons fait du Yport notre bureau, notre cantine, notre salon, tant nous y passons de temps. Nous y avons réveillonné le 24 et passé toute la journée de Noël.
Pablo et Fredo ne sont pas encore mûrs pour reprendre la mer. Heinrika et moi pensions d’abord attendre en les aidant à mûrir – nous contribuons du mieux que nous pouvons à forger des outils pour les aider à exprimer ce qui doit sortir d’eux ou y entrer, un terrible vécu pour le premier, de nouveaux mots pour le second –, mais nous avons fait une rencontre durant la nuit du réveillon. Quelqu’un va nous emmener avec lui, sans doute pour un long voyage.
Sois rassurée, ce n’est pas le père Noël qui va nous emmener en traîneau vers le nord, Dieu merci, nous n’y croyons pas! mais c’est Alberto qui va nous emmener vers le sud, en bateau: l’Atlantique, Gibraltar et peut-être la Méditerranée. Alberto est un capitaine aguerri descendant des grands peuples conquérants, il nous a proposé de poursuivre les conversations commencées à l’Yport sur son bateau qui appareille dans quelques heures. Cette lettre est donc la dernière avant quelques semaines, je pense. Ne m’écris plus avant de recevoir une autre adresse de ma part.
Nous laissons Pablo et Fredo entre de bonnes mains et, comme tu le sais, les marins peuvent communiquer par radio.
J’aimerais encore te dire, Mathilde, ma chère Mathilde, combien tu comptes pour moi, combien je chéris la vie que nous avons eue, combien j’apprécie la manière dont tu m’as laissé partir. D’une manière ou d’une autre je repasserai à la maison, nous passerons du temps ensemble, avec Fernando, avec Heinrika, sans oublier tous les autres, ceux qui œuvrent de façon si belle pour transformer notre ville; mais pour l’instant je continue mon périple, il n’est pas encore temps de revenir.
Je t’embrasse, Mathilde, ma chère Mathilde, ma confidente, ma meilleure amie,
Gaspard