Noir comme décembre – III bis
Un papillon ne peut pas prévoir le temps mais il peut renseigner. Au verso du papillon, certains événements sont précédés d’un astérisque.
*En cas de fortes précipitations ou de vent violent, l’événement sera déplacé à… / sera reporté au… / sera annulé. En cas de doute, il est possible de se renseigner une heure à l’avance au numéro suivant: …
On pourrait qualifier le temps de ce début de soirée de temps de chien, mais comme il est froid et venteux, le temps, il n’y a plus de chien dehors à l’heure qu’il est, quant aux maîtres, ils pantouflent. On a indiqué aux quelques téléphoneurs que l’événement avait bien lieu, que la clairière était à l’abri du vent et qu’il y aurait du vin chaud et du thé bouillant – habillez-vous chaudement, suivez les lanternes depuis l’arrêt du bus indiqué sur le plan et ouvrez vos oreilles, a-t-on encore dit aux téléphoneurs, pourtant c’était déjà écrit sur le papillon.
Grâce à sa parfaite connaissance de la forêt, Giuseppe a su choisir le bon lieu. Une heure avant l’heure dite, ils sont cinq ou six à l’accompagner pour tout préparer : allumer le feu, installer les falots tempête entre la route et la clairière, chauffer les instruments, accorder les voix, et caetera, et caetera.
A dix-neuf heures tapantes les deux flûtes – une alto et une soprano – entonnent le premier air que les voix reprennent en choeur. Comme le matin dans la salle d’attente de la gare, la bise s’en mêle; elle descend vers la route et apporte avec un peu d’avance la musique à ceux qui montent vers la clairière en suivant les falots.
La chantée se termine quelques minutes avant vingt heures. Pendant qu’on boit les dernières gorgées de vin chaud et de thé brûlant, Giuseppe explique à l’assemblée forestière que de cette clairière on peut entendre sonner trois clochers différents, une sorte de choeur à trois voix qui chantent en décalé car les horloges des églises ne sont pas au diapason. La voix de Giuseppe se tait et les oreilles se tendent pour scruter la nuit.