Plus que 365 jours… (257/365)

Novembre est une fleur flammes – XVIII

A l’ouest du Rhin on se penche aussi sur des cahiers mais on est plus nombreux et les tables sont plus petites que celle de la cabine-séjour du Popeye.

Le coin bistrot – ou café, comme on voudra – n’a pas encore été officiellement inauguré mais déjà on lui a trouvé des usages. Plusieurs fois par semaine, un peu avant quatre heures, on voit arriver Aux Yeux Fertiles des écoliers, par petits groupes. On les accueille, ils choisissent des tartines, des fruits et des boissons qu’on a disposés pour eux sur le bar et s’installent autour des petites tables, par affinité. Le goûter pris, les sacs s’ouvrent et le travail commence, le coin bistrot devient salle d’étude. On y garantit une atmosphère sereine pour travailler, de l’aide, de l’entraide, des conseils. Quelques bénévoles assurent le fonctionnement du lieu, discrètement, efficacement, selon un tournus hebdomadaire; des retraités, des étudiants, quelques profs.
Lorsque les plus jeunes sont au travail, les plus grands arrivent progressivement – collégiens, gymnasiens, apprentis – et s’installent aux places qu’on leur a laissées; les bénévoles veillent à ce qu’il reste des places à chaque table – des tables de deux à six places – afin de favoriser le mélange, l’échange et la collaboration. Certains grands commencent par regarder ce que font les petits, les encouragent, leur montrent un truc ou une astuce; on entend parfois des phrases dans d’autres langues que le français, -oui, les filles peuvent faire tous les métiers, je le dirai à tes parents, -bosse ton voc. et inscris-toi en bilingue, c’est génial de quitter ses parents quelques mois; on sent bien que quelques phrases relèvent aussi de l’auto-encouragement, pas facile de se mettre à étudier après une journée de travail,  quand la nuit arrive et avec elle le froid, pourtant les grands ont aussi droit au goûter. Certains petits attendent avec impatience l’arrivée des grands – Clément aime bien que Pascale corrige ses exercices de math, elle est patiente, explique bien et ses yeux sont si beaux. Puis les petits partent un à un, parfois par deux, on vient les chercher ou ils s’en vont tout seul par les rues éclairées. Les tables ont des trous, le climat est de plus en plus studieux. Entre six et sept heures l’ambiance change peu à peu; des grands s’en vont, d’autres rangent leurs affaires et vont chercher une bière au bar, on recommence à entendre des conversations plus animées, plus fortes, des gens entrent, des gens sortent, des groupes se font, d’autres se défont, c’est l’heure de l’apéro.
Les Yeux Fertiles ferment à huit heures, sauf les soirées à thème: lectures publiques, jeux de société, débats, causeries, conférences, et caetera, et caetera. Ces soirées-là se terminent souvent à point d’heure.