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Novembre est une fleur flammes – IV

Ils ont fait étape dans un village entre Koblenz et Bonn – chez Evi, Leo et Jakob –, approximativement à mi-chemin entre les deux villes, et les voilà repartis.
En quittant Koblenz, ils avaient vu la ville décroître, se faire moins verticale, moins dense, se diluer, en quelque sorte, mais ça avait pris bien des kilomètres tant l’agglomérat était grand. En s’approchant de Bonn, ils font l’expérience inverse; comme un fleuve qui doit se glisser entre des berges artificielles, la nature se faufile tant qu’elle peut entre l’urbain qui se réagglomère, bien en amont de l’ancienne ville fédérale; les prés se font jardins, les haies d’arbustes clôtures, puis treillis, les arbres sont supplantés par des antennes, ces mâts branchés sans matelot. Jusque-là les localités étaient disposées en quinconce le long du Rhin, souvent à bonne distance, maintenant elles se succèdent de plus en plus vite, se font face jusqu’à former une haie d’honneur pour le fleuve qui entre à Bonn, l’ancienne capitale.
En principe Wilfred doit les attendre sur la terrasse du restaurant Bastei, en bordure de la route, juste après le Panorama Park, dans le quartier de Rüngsdorf, au sud de la ville, cet organisme vivant qui n’en finit pas de s’étirer le long du fleuve et dans d’autres directions, comme un d’hippocampe difforme. Ils pensent être en avance, s’installent sur la terrasse et vont commander lorsqu’on les siffle du fleuve, un homme sur une barque de pêcheur.
– Heinrika et Gaspard?
– Wilfred?
Ils quittent la terrasse en s’excusant, traversent la route, rejoignent le ponton de la compagnie KD – Köln-Düsseldorf et embarquent. Poignées de main vigoureuses, chaleureuses.
– Je n’ai rien dit à Jakob, je voulais vous faire la surprise. Vous verrez,  depuis le Rhin Bonn est très belle, surtout à la tombée du jour. On va chez moi, une petite localité à la sortie de la ville, sur la rive gauche.
On dit que les faux jumeaux sont en général très différents, pourtant Wilfred et sa soeur Elga se ressemblent comme deux gouttes d’eau – ils l’ont vue en photo dans un album d’Evi et de Leo. Du bateau, chacun scrute sa rive – Heinrika la gauche, Gaspard la droite – tandis que Wilfred pilote en les observant à la dérobée; il comprend qu’ils goûtent ses rives, alors il ralentit.
– On a le temps, précise-t-il, le ragoût c’est pas bon quand ça n’a pas assez mijoté.