Plus que 365 jours… (209/365)

Septembre est une jardinière de prunes – XXVI

Il sait qu’il lui suffit de suivre la rive droite sans s’arrêter pour arriver à Lorch – Burghotel in Lorch –, alors il marche Gaspard. Il n’avait pas prévu de marcher de nuit, il voulait simplement marcher jusqu’à la nuit, dans l’espoir de rencontrer un quidam informé de la suite par Heinrika. Il a été servi, Gaspard, neuf quidams d’un coup, neuf quidams en niqab, et qui étaient bien informées – oui, c’étaient des femmes sous les niqabs, de belles voix de femmes, même la neuvième, celle qui n’a pas parlé, les prunelles étaient ceux d’une femme, il en est sûr, Gaspard. Et maintenant qu’il est informé, Gaspard, il est pressé d’arriver – Burghotel in Lorch.
Dans son carnet, il a quelques étapes d’avance, préparées avec soin grâce à la carte;  il sait qu’une trentaine de kilomètres séparent Eltville de Lorch, cinq heures de marche sur terrain plat, à peine plus; il a marché une heure avant de rencontrer les neufs quiqabs, il est environ vingt heures, il devrait donc arriver vers minuit. Il trace Gaspard, il est motivé Gaspard – Burghotel in Lorch.
Minuit sonne au clocher de l’église lorsqu’il aborde le bourg viticole dans des effluves de vendanges. Il trouve sans difficulté le Burghotel, les indications des quiqabs étaient succinctes mais très précises. Devant la porte un homme scrute la nuit étoilée; Gaspard ? demande-t-il. A peine le temps de répondre oui qu’il se retrouve attablé dans la cuisine avec le scruteur de nuit, le patron. La dame a dit que vous seriez là au plus tard en fin d’après midi, alors je vous ai attendu, je commençais à être inquiet. Heinrika? dit Gaspard, manquant de s’étrangler avec le bretzel qu’il a dans la bouche; elle est encore là? J’ignore son prénom, et son nom, mais la dame est partie depuis belle lurette, répond le patron en remplissant les verres d’un petit vin blanc délicieusement fruité. Gaspard n’ajoute mot, il est stupéfait et tombe de sommeil après sa marche presque forcée; il se laisse docilement conduire dans la chambre qu’on a réservée pour lui. Au moment de se glisser dans le lit, il remarque une feuille pliée en deux sur l’oreiller.
Gaspard, mon Cher Gaspard,
Maintenant c’est toi le chat botté, on inverse les rôles. Je partirai demain de bonne heure d’Eltville où je suis retournée, envie de revoir la patronne du Violon et envie de te courir après. Lève-toi de bonne heure, continue à suivre l’eau en direction de Cologne et laisse des indications à des quidams que tu rencontreras, avec ou sans niqab. 
Je t’embrasse et je te serre dans mes bras,
H.
P.S. Trouves-tu aussi que le noir me va bien?