Plus que 365 jours… (207/365)

Septembre est une jardinière de prunes – XXIV

Il dort jusqu’au milieu de l’après-midi.
Une douche rapide, il défait la literie, en fait un ballot qu’il dépose dans le couloir avant de descendre. En bas, c’est l’heure creuse. La patronne prend le soleil sur le pas de porte. Elle rentre, lui propose une collation sur la terrasse. Tandis qu’il grignote, elle résume la situation, elle transmets les nouvelles règles du jeu. Heinrika a une bonne poignée d’heures d’avance, marche de jour, le long du Rhin, laisse des instructions orales à des riverains, des gens susceptibles de croiser Gaspard, ou de la voir passer; elle vous décrit à ces gens, ajoute la patronne, afin qu’ils vous informent, afin que vous ne perdiez pas sa piste.
Le crépuscule n’est plus très loin, Gaspard n’a plus sommeil, Gaspard n’a plus faim, Gaspard se dit qu’il peut encore avancer de jour, se hâter, trouver quelqu’un qui lui dira la suite. Gaspard se lève, veut payer, la patronne refuse, c’est moi qui vous ai proposé l’hospitalité, rattrapez-la, soyez heureux ensemble et donnez-moi des nouvelles, allez ouste! ajoute-t-elle après l’avoir serré dans ses bras, pour lui transmettre un supplément de force, un supplément d’humanité. Alors il file Gaspard, avec dans la tête des bottes de Perrault.
Entre chien et loup, l’oeil de celui qui se hâte sur la berge est attiré par du noir qui vient à sa rencontre, beaucoup de noir. Il croit d’abord à des nonnes en robes et en capots mais, au fur et à mesure que le groupe se rapproche de lui et que lui se rapproche du groupe, il identifie  des burqas. Il ne fait pas le malin Gaspard, mais ne ralentit pas. Arrivé à deux mètres du groupe, il salue et poursuit son chemin; aucune réponse articulée, mais une sorte de murmure. Il s’arrête. Il tend l’oreille. Il distingue clairement des pssst répétés, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Il se retourne, les femmes sont arrêtées, elles lui font face, elles sont neuf.