Plus que 365 jours… (197/365)

Septembre est une jardinière de prunes – XIV

L’aval et l’amont sont distants de mille mètres environ, un petit kilomètre, une quinzaine de minutes à pied. Si chacun faisait la moitié du chemin sur la berge, tranquillement, en maîtrisant ses émotions, il leur faudrait sept minutes et demie pour atteindre le zéro, leur zéro.

Pour l’instant il dort dans une auberge au bord de l’eau, le vent l’a couché sur le dernier lit de la dernière chambre qui était libre à cet endroit précis de l’eau-berge de ce fleuve qui vient des montagnes par lesquelles il est passé ce printemps.
Dans la langue de celle qui dort sur la même berge, un petit kilomètre en amont, dans une auberge qui ressemble à celle où il dort, les mêmes lettres, dans le même ordre mais avec un b majuscule, signifient montagnes, avec un s, minuscule – berge, Berge, montagnes.
Ils sont donc couchés à environ mille mètres l’un de l’autre mais leurs rêves se mélangent, comme si le fleuve était ici estuaire, comme si ses eaux mélangeaient leurs espoirs et leurs craintes, eaux douces, eaux salées, flux, reflux: carte égarée, « poste exceptionnellement fermée aujourd’hui », l’apercevoir dans la foule, faire durer le moment qui précède les retrouvailles, se suivre de loin, lui écrire sur un banc pendant qu’elle le dessine d’une terrasse, sentir qu’on est photographié tandis qu’on admire une image, se perdre, se retrouver.
Avant de s’endormir elle se disait qu’elle n’avait pas le droit d’aller à la poste le lendemain; en lui écrivant, elle a accepté la règle du jeu, en arrivant avant la carte, elle a enfreint la règle, un peu? beaucoup? Mon impatience est grande, mais je n’irai pas à la poste demain, se disait-elle avant de s’endormir, non je n’irai pas, se répétait-t-elle avant de sombrer dans l’eau douce amère des rêves mélangés.
Avant de s’endormir il vérifie une énième fois que sa carte d’identité est à sa place habituelle. Demain, se disait-il, j’irai à la poste à la première heure.