Septembre est une jardinière de prunes – XXVII
Septembre tire à sa fin, de même que la nuit de Gaspard, la mauvaise nuit passée au Burghotel de Lorch, riant bourg viticole du bord du Rhin. Pourtant il ne rit pas Gaspard; pour lui septembre a commencé tout en douceur, avec des fruits de saison (cf. septembre est une jardinière de prunes, épisodes II à V) mais se termine avec une pointe d’amertume. Il s’attendait à des retrouvailles, mais il n’a eu droit qu’à une feuille pliée en deux sur un oreiller, une feuille qui l’a tenu éveillé jusqu’aux petites heures du matin, une feuille qui l’a fait se tortiller le cerveau, se perdre en conjectures, se tortiller dans son lit, se perdre dans les draps – qui étaient pourtant beaux – avant de s’endormir épuisé par tant d’efforts, plié en deux sur le matelas, très las.
Sept heures le fait tomber du lit – il avait demandé au patron de faire sonner le téléphone à cette heure –, et il fait le point sous la douche, seconde douche froide après celle des retrouvailles manquées. Elle était donc la neuvième, celle qui n’a pas parlé, celle qui l’a dardé de ses prunelles qu’il n’a pas reconnues! Il est vexé Gaspard, très vexé. Il se calme, l’eau glacée l’aide à se calmer – et il se voit sur une planche d’Hergé: il est dans un hôpital psychiatrique, armé d’un jet un infirmier le gicle avec de l’eau froide pour le calmer et lui crie très fort Elle est partie on vous dit, depuis belle lurette, prenez ce bretzel pour vous calmer! Il attrape le bretzel avec la gueule, Gaspard, manque de s’étrangler, l’infirmier change l’eau en vin, un petit vin blanc délicieusement fruité, et il dit, l’infirmier, prenez ça, ça vous aidera à avaler! Il rêve sous la douche Gaspard, la douche écossaise; des coups le réveillent, il passe un peignoir ouvre la porte, le patron le regarde d’un drôle d’air, surtout quand il l’entend dire Je crois que je me suis endormi sous la douche écossaise, debout, comme un poney Highland; il regarde mieux, le patron, et il finit par lui demander Déjà eu votre Ovo aujourd’hui? Pas encore, répond Gaspard, le temps de m’habiller et je descends. D’accord, je vous attends à la cuisine.
L’Ovo le réchauffe, fond et forme. La patron s’assure qu’il ne manque de rien et le laisse cogiter à côté de la casserole d’Ovo. Il renonce à comprendre ce qu’Heinrika faisait avec les huit femmes en niqab, il décide de se ficher de savoir qui lui a dit que le noir lui allait bien, il retient juste qu’elle souhaite lui courir après, et comme il sait qu’elle court plus vite que lui, il paie, remercie et file dans la beauté du matin – chat botté.