Août rougeoie – XXII
Lieux et dialogues de l’été – XXI
Friche (suite)
– Savez-vous, Mademoiselle, qu’il y a une semaine encore je ne savais pas ce qu’était la kombucha? dit Rose en riant. J’apprécie particulièrement, celle au thé vert et à le menthe, en avez-vous?
– Oui, à la menthe poivrée, c’est encore meilleur!
La jeune femme installe Rose dans une sorte d’arrière cour, à l’ombre d’un bouleau et va chercher les boissons. Rose se sent tout de suite à l’aise dans ce lieu qu’elle a bien connu lorsqu’elle était fleuriste. Elle livrait des fleurs dans cette menuiserie-ébénisterie; les patrons habitaient à l’étage et le patronne aimait beaucoup les fleurs, ainsi que Rose qu’elle invitait souvent à boire un café accompagné de pâtisseries qu’elle confectionnait elle-même. Aujourd’hui l’arrière-cour n’est plus un dépôt de bois, mais la terrasse d’un café; le mobilier est simple, tables en fer et bancs en bois mais aussi des meubles fabriqués avec des palettes. Rose pense à l’ancienne gare de triage toute proche, à ses entrepôts avec leurs quais de chargement mais aussi à Berlin, plus précisément au quartier dans lequel habite une de ses cousines et dans lequel on trouve ce genre de bistrots fréquentés par plusieurs générations et plusieurs milieux.
– Savez-vous, Mademoiselle, que j’ai bien connu ce lieu autrefois?
Et Rose de raconter l’histoire du bâtiment et de ses habitants à la jeune-fille qui l’a si spontanément invitée à entrer.
– Vous ressemblez à ma grand-mère berlinoise, c’est pour cela que je vous ai invitée à entrer, et j’aime aussi parler! Cela me ferait très plaisir que vous m’appeliez par mon prénom, le même que celui de ma grand-mère, Klara.
– Alors appelez-moi Rose, Klara.
Et Klara de raconter à Rose comment elle a rencontré ce lieu, pourquoi elle a eu l’idée d’y ouvrir un magasin, qui tient à la fois de l’épicerie et du marché paysan, ainsi qu’un café-restaurant.
– Mon associé et moi tenons aux produits locaux, donc de saison, et si possible bio. Nous voulons contribuer à intensifier les liens entre la ville et la campagne et proposer de la nourriture slow food. Nos prix sont raisonnables et nous espérons que ce lieu restera dans le registre populaire sans devenir bobo; pour l’instant, nous avons ouvert mi-juin, notre clientèle est jeune, mais un certain mélange de générations commence à s’opérer et nous avons bon espoir que cela continue.
– Klara, vous pouvez compter sur moi pour faire fonctionner le téléphone arabe! Et je vous assure que nous allons faire reculer les buldozers, notre ville a grand besoin de friches comme celle-ci, des lieux dans lesquels des projets peuvent fermenter pour transformer la société, comme du thé fermente pour devenir Kombucha. Santé!
– Santé!