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Août rougeoie – XI
Lieux et dialogues de l’été – X
Ban-c-s (suite)

Lorsque Jean arrive – il passe en général à l’improviste, ce vieil ami de la famille – le buffet n’est plus qu’un souvenir, mais peu importe, Jean est plus musique et soupe que buffet froid. Il salue ceux qu’il connaît, s’étonne de l’absence de Gaspard – Mathilde lui explique brièvement –, assemble son cor et se met à en jouer.
Le son des Alpes modifie les sons qui proviennent des bancs placés çà et là dans le jardin, les conversations s’arrêtent ou se font très feutrées et, lorsque les paroles de l’air soufflé sont connues, des cordes vocales se mettent à vibrer au rythme de l’air que Jean fait retentir; un dialogue s’installe entre les chanteurs et Jean, on lui réclame des airs dont on connaît les paroles.
Pas de montagnes dans le quartier, ni de vallées, mais des murs – tours, immeubles, villas – et des rues ou ruelles, assez pour que les sons se répercutent, ricochent, rebondissent, se diffusent, et en retour des gens qui arrivent des quatre points cardinaux: voici Eric avec son cor, il rejoint Jean à côté du feu, voici des voisins, voici des curieux et des vers luisants qui se dandinent. On les accueille, on regroupe les bancs autour du foyer, donc de la soupe, on se serre pour faire de la place, le muret disparaît sous les chanteurs, il est devenu banc. 
Pour qu’ils reprennent leur souffle, on sert des verres aux cornistes et aux choristes et, lorsque le répertoire s’épuise, les cors se font clairons pour annoncer la soupe. Avant qu’on attaque la collation de minuit, quelqu’un lance un ban pour souhaiter bon appétit, il est repris par tous, mais banc par banc, comme un canon, mais sans artifice.