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Août rougeoie – X
Lieux et dialogues de l’été – IX
Ban-c

Des lampions éclairent le jardin, ainsi que de petits feux dans des vasques en fer. La nuit s’installe, on commence à être repus mais le buffet reste ouvert, chacun a envie de goûter à tout, même les allergiques de tout poil – heureusement qu’il y a les petits cartons de Pierre.
A l’heure des discours qui précèdent les feux d’artifice, Séraphine se lève, sans artifice mais un verre dans une main et un couteau dans l’autre. Lorsqu’elle a l’attention de tout le monde – on est quand même une cinquantaine dans ce jardin –, elle ouvre la bouche et s’apprête à prendre la parole. Mais elle n’est pas grande, Séraphine, alors pour que tous la voient et l’entendent – on est quand même pas loin d’une cinquantaine dans ce jardin surchauffé –, Fernando l’attrape par la taille, la fluette Séraphine, et la pose sur un banc où la voici dressée, Séraphine.
– Merci Fernando, grâce à toi j’ai pris un peu de hauteur, mais je vous avertis, les amis, mes propos seront brefs, sans fard ni artifice, celles et ceux qui veulent un vrai discours de 1er août sur fond de crise migratoire, de crise climatique et d’élections fédérales n’ont qu’à allumer la TV, la radio ou ces trucs qu’on a aujourd’hui dans la poche…
– Excuse-moi, Séraphine, interrompt Mathilde, je profite de ton introduction pour rappeler à tous que l’usage de ces appareils est proscrit dans le jardin!

Rires, verres qui se remplissent – santé, hourra, vivent les bougies et les feux sans artifice, vivent les mots sans fard, Séraphine, un discours!

– Donc, disais-je, je parlerai sans fard ni artifice, et brièvement…

Rires, verres qui se remplissent – bravo, santé, hourra, vivent les mots sans fard ni artifice, Séraphine, un discours, et que ça saute, mais brièvement!

– Donc, poursuit celle qui aime parler brièvement sans fard ni artifice, grâce à Giuseppe, un compatriote – je suis Italienne par mariage, une Sicilienne de Ropraz – j’ai appris l’existence de l’association Vivre ici…

Rires, verres qui se remplissent – bravo, santé, hourra, viva l’Italia, viva la Sicilia, allez Ropraz, vive ici, Séraphine, aux faits, sans tarder!

– J’y viens, j’y viens, dit Séraphine. Merci de l’accueil, merci de ce buffet, merci de votre humanité désintéressée et déconnectée, et caetera, et caetera…

Rires, verres qui se remplissent – et caetera, et caetera…

– Pour qu’une association soit vivante, enchaîne Séraphine, il faut des membres actifs. En accord avec Giuseppe, Paola, Marguerite et Pierre j’inaugurerai les ateliers Cuisine et migration avec la recette de la caponata et, si la mayonnaise prendje proposerai dans la foulée celle de la soupe des Brigands du Jorat…

– Garçon, un demi, et du pain pour la mayonnaise! bravo, santé, hourra, viva la caponata, vivent Al Capone et les brigands du Jorat!

– Et pour conclure, ajoute celle qui habite un bloc d’une banlieue Ouest, à mi-chemin entre Ropraz et Marsala, à mi-cuisson entre boutefas et pancetta, j’aimerais que dès maintenant chacun fasse sien cet ukase historique: « Ne demandez pas ce que Vivre ici peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour Vivre ici. »

– Garçon, du Marsala, et de la tarte au vin cuit! bravo, santé, hourra, vivent les ukases, à mort les buffets tièdes – vomissons-les –, vivent ceux qui agissent, vive ici, vivent le buffet froid et le café glacé, santé Séraphine!

Et quelqu’un de lancer un ban, que tous reprennent en choeur:
– Pour Séraphine, hip hip hip hourra!
– POUR SÉRAPHINE, HIP HIP HIP HOURRAH!
– POUR SÉRAPHINE, HIP HIP HIP HOURRAH!
Et caetera, et caetera…

Rires, verres qui se remplissent, gens qui se ruent sur les restes du buffet froid – et caetera, et caetera…