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Août rougeoie – II
Lieux et dialogues de l’été – I
L’ombre

Assis sur son banc, Giuseppe se demande si l’ombre peut être considérée comme un lieu. Depuis quelques temps, plus exactement depuis qu’il a parlé avec Paola à l’ombre du noyer, fin juin, Giuseppe bavarde moins, affectionne la solitude, non pas celle du champignonneur qu’il continue d’être, mais celle de celui qui réfléchit davantage, pour lui-même mais aussi pour nourrir les conversations qu’il aime de plus en plus avoir avec les autres; c’est qu’il a aussi appris à écouter, celui qui, il y a quelques semaines encore, ne voulait pas qu’on l’appelle autrement que Joseph.

Si l’ombre est un lieu, se dit Giuseppe sur son banc, alors c’est un lieu migrant. Se disant cela, il contemple le parc dans lequel il se trouve – il est assis sur un des bancs du haut du parc, là d’où se lancent les enfants lorsqu’il y a de la neige. En verrai-je encore de la neige? se demande Giuseppe qui, à cet instant précis, se lancerait bien en luge dans cette pente avec ses petits enfants.

Il vient ici tous les matins Giuseppe, et migre avec le soleil, c’est-à-dire avec l’ombre. Au début, juste au moment où le soleil se lève – lui est déjà levé depuis longtemps –, il est seul, c’est le moment où l’ombre est le lieu du dialogue avec lui-même, ce moment où il est assis sur son banc préféré, celui d’où il voit le Crêt de la Neuve, pile en face. Les autres bancs se remplissent peu à peu, comme les banquettes d’un train, un banc, un vieux. On se connaît, on se salue discrètement, sans se déranger, un signe ou quelques syllabes; tous connaissent la valeur de ce moment de solitude, la solitude de l’ombre fraîche dont on fait provision en perspective des heures de canicule. Mais la terre tourne, et l’ombre se déplace, alors on se retrouve à plusieurs sur le banc du bas du parc, sous le gros arbre, celui qui donne de l’ombre jusqu’en fin de matinée. On ne reste jamais si tard, mais on discute un peu avant rentrer chez soi, de retourner en soi.

Sur le banc qui est sous le gros arbre qui donne de l’ombre jusqu’en fin de matinée, l’ombre est d’une autre qualité, c’est comme un autre lieu, le lieu du dialogue entre ceux qui ont vécu et vivent encore; certains ont toujours des projets, d’autres disent à quoi bon? Souvent on commente la marche du monde, on ressasse, on se navre de l’actualité, on se donne des nouvelles, mais depuis quelques temps, on philosophe. Giuseppe a parlé à ses compagnons de banc de Paola, de Mathilde, de Marguerite, de l’association Vivre ici et des projets en cours. Ce matin il leur parle de l’ombre, il leur dit que pour lui la migration et l’ombre sont deux inséparables compagnes, des jumelles, comme le soleil et l’ombre. Ce matin ils sont quatre, tous ont connu la migration d’une manière ou d’une autre, mais l’affirmation de Giuseppe les laisse perplexes.

 

Août rougeoie – lieux et dialogues de l’été

Lieux et dialogues de l’été – mise en garde

Comme on l’a vu plus haut, août rougeoie et sera le théâtre des lieux et dialogues de l’été.

Ce qui relie ces dialogues et ces lieux, donc ces textes – un texte publié chaque jour –, c’est août. Le lecteur se souvient sans doute – pour la lectrice on n’a aucun doute, elle se souvient de tout – que ce feuilleton embrasse une grande quantité d’espace et de temps; en lisant ces textes – un texte publié chaque jour –, il faudra donc bien garder à l’esprit que le mois d’août est le lien, sans quoi on sera perdu et on se posera des questions du genre: pourquoi retourne-t-on sur l’alpage jurassien? pourquoi Mathilde raconte-t-elle ce feu d’artifice? et caetera…
A part cela – ce mois d’août qui sera un lien rouge –, il apparaîtra bien vite au lecteur averti que bien d’autres choses  encore relient ces textes, ce n’est pas la lectrice qui se souvient de tout qui dira le contraire.

Sur ce, la rédaction vous souhaite un excellent mois d’août (à n’orthographier en aucun cas moi doute, ou mois doute) !

P.S.
Gaspard souhaite dire à la lectrice avertie qu’il l’embrasse, où qu’elle soit.