Août rougeoie – I
[journal du marcheur – extrait]
Dans mes souvenirs d’enfance, août est toujours rouge, du début à la fin.
Ça commençait par un lever précoce au son des cuivres qui jouaient à l’aube. Je sautais de mon lit pour voir le rougeoiement matinal et écouter l’aubade depuis la fenêtre – dans mes souvenirs d’enfance, il fait toujours beau le 1er août. Ensuite, c’était le petit pain au sucre – doré et blanc – avec un drapeau miniature en papier – rouge et blanc – planté dedans. Puis une journée normale avant une sorte d’inalpe dans les Préalpes, les familles cousines qui convergeaient vers le chalet de la tante et de l’oncle dans les montagnes aux Dents Vertes – pourtant l’oncle était dentiste. En montant de la plaine, on comptait les drapeaux, fédéral et cantonaux. Au chalet, on partageait le pique-nique – une sorte de repas canadien sur fond de crêtes et d’alpages – dont le dessert était invariablement constitué de tartes rondes au diamètre impressionnant achetées chez un boulanger du village. Tartes rouges, tartes orange: cerises, abricots. Puis le cortège, les chants et les lampions avec les enfants du quartier – le village était assez grand pour avoir des quartiers, comme les tartes étaient assez grandes pour que chacun, nous étions presque soixante, ait une tranche de chaque couleur, de délicieux triangles isocèles pointus comme les pyramides d’Euseigne – Alpes, Préalpes. Après le dessert partagé en quartiers et le cortège partagé dans le quartier, il y avaient les feux: allumettes de Bengale, vésuves, fusées et les fameux soleils de Giuseppe, celui qui s’est tué au rouge et au tabac. Puis nous regagnions la plaine en comptant les feux là-haut sur les montagnes et les fusées retardataires.
Août commençait par les notes harmonieuses de la fête du rouge, août était le mois le plus chaud des vacances et août se terminait par les notes pas toujours harmonieuses inscrites dans nos carnets journaliers, en rouge.
Oui, août rougeoie.