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Avril est vert – I

Oui, avril est vert se dit le marcheur qui a décidé de se diriger vers les Alpes, mais autrement.

Autrefois ce pont de Bâle sur lequel il aime passer du temps, le Mittlere Brücke, était un segment hautement stratégique de la route du Gothard, le segment qui permettait, et permet toujours, de franchir le Rhin. Plutôt que de remonter le fil du Rhin, il a décidé de le franchir, le fil du Rhin et de marcher sur cette route historique. Le Rhin, il le reverra plus tard, à l’une de ses sources, et peut-être qu’il décidera alors d’en suivre le fil ; descendre le Rhin au lieu de le remonter.

Qu’est-ce qui l’a décidé, le marcheur parti du blanc, qu’est-ce qui l’a décidé à changer d’itinéraire ? Comment savoir exactement ? Il sait que durant les quelques jours passés à Bâle, chez les fifres, ce couple de musiciens amateurs d’art, ils ont parlé de Fritz, le douanier humaniste, et aussi d’art dégénéré. Dans l’appartement qui donne sur la petite place pavée il y avait ce tableau d’Otto Freundlich, Corps sphérique, et ils ont parlé de cet artiste, mort en 1943 dans un camp à cause de l’inhumanité des hommes qui traitaient son art de dégénéré. En 1905, à 27 ans, Freundlich est parti de Münich pour aller à Florence, artiste alors en formation, il a traversé les Alpes à pied pour aller séjourner quelques mois dans une ville façonnée par les arts. C’est sans doute un des éléments qui a poussé le marcheur parti du blanc à bifurquer, à partir vers le sud pour traverser les Alpes. Et en marchant – le Mittlere Brücke est déjà loin derrière – il pense à Corps sphérique, ce tableau d’Otto Freundlich ; sur ce tableau, il y a des verts de son enfance, et il pense que l’un de ces verts est le vert d’avril, le vert des vacances de printemps.