Mars est marron, noisette, avec des points verts – XIX
Paola accepte le toit qu’on lui offre, mais seulement pour quelque temps, je ne voudrais pas déranger, dit-elle. Mathilde l’accompagne à la gare toute proche chercher les affaires qu’elle a laissées à la consigne, de lourdes valises, tout ce qu’elle possède ; maintenant je suis une sorte de nomade, sans caravane mais avec des valises à roulettes.
Pendant que Rose poursuit la préparation du repas – une soupe aux légumes d’ici rehaussée de piments et de saucisses andalouses coupées en morceaux – Mathilde aide Paola à s’installer dans la grande chambre qui se trouve à côté de la sienne, celle qu’elle partage avec celui qui est parti marcher plusieurs mois. En défaisant les valises, en garnissant la penderie, les rayons, les tiroirs et la bibliothèque, les deux femmes parlent de la vie, leur vie, de souvenirs, de regrets et de leurs rêves. Il semble à Mathilde que Paola commence à se dire qu’elle pourrait passer ici plus que seulement quelque temps.
En bas, des voix d’hommes dans la cuisine, trois semble-t-il ; les deux femmes descendent. Fernando et Robert sont avec un voisin que Mathilde connaît, Giuseppe, venu il y a longtemps d’Italie du Nord – presque la Suisse, dit-il souvent. Mathilde connaît un peu son histoire, ils ont parlé plusieurs fois par-dessus la barrière. On présente Paola aux hommes ; Fernando raconte que Giuseppe – il préfère qu’on l’appelle Joseph – les a rencontrés au bord de la rivière et les a aidés à transporter les sacs en bâche remplis d’argile. Rose propose à Joseph de rester pour la soupe, quand il y en a pour cinq, il y en a pour six, Mathilde dit sept, Joseph vit avec Lili, depuis toujours. Tout joyeux, Joseph part la chercher et Robert lui emboîte le pas disant que ce serait un crime de manquer de pain avec une soupe qui sent si bon, ça tombe bien, j’en ai défourné ce matin. L’ambiance est à la fête dans la cuisine, Fernando met la table avec Paola, Mathilde débouche une bonne bouteille et Rose rosit.