Plus que 365 jours… (48/365)

Orangé comme février – XVII

Paulinho interrompt sa lecture, mais ne referme pas le livre – Chroniques –, il se met à raconter les heures et les jours qui suivirent la naissance de Maryam, la fille de Judith et de Peter et, ce faisant, il se réfère au livre, tourne ses pages, met en évidence tel ou tel élément.

Après la naissance, tandis que Maryam et sa mère dormaient paisiblement, Peter se mit à raconter son histoire à mes grands-parents et à la sage-femme. Si Günter, disait Peter, le sergent des douanes, notre ange gardien en chef, ne vous a pas encore parlé de nous, c’est qu’il repoussait ce moment, car nous avions peur, lui et nous, ainsi que les douaniers qui forment son détachement, peur de vos réactions, vous, les gens de la commune, vous, les gens du village. Comment vous dire en effet que cet alpage abandonné  depuis la fin de la guerre était à nouveau habité, et par des réfugiés illégaux, protégés par un détachement de douaniers, eux aussi dans l’illégalité,  la plus pure illégalité ? Et comment vous expliquer que Günter nous avait été recommandé par un de ses cousins berlinois, nous qui avons traversé toute l’Allemagne et sommes passés par Strasbourg et Bâle avant d’arriver ici ?

Nous espérions que la naissance de Maryam ne nécessiterait aucune intervention extérieure, mais il en a été autrement, disait Peter en regardant la sage-femme. Celle-ci elle s’appelait Marianne – lui répondait que son intervention n’aurait pas été nécessaire, mais qu’elle les comprenait, lui Peter et sa femme Judith, qu’ils n’avaient pas d’expérience, que c’était bien normal ; la nature fait en général bien les choses, mais cela, on ne le sait pas tout de suite, la vie doit d’abord nous l’apprendre. En disant cela à Peter, Marianne lui avait posé la main sur l’épaule, comme pour lui transmettre un peu de son expérience, un peu de son calme.

Puis ce fut mon grand-père qui prit la parole, dit Paulinho en montrant une page du livre, comme pour prouver qu’il n’inventait rien.