Plus que 365 jours… (33/365)

Orangé comme février – II

[journal du marcheur – extraits]

Janus n’est pas encore passé, je vais l’attendre. Mais quoi qu’il advienne, je partirai avec janvier, pour entamer le mois suivant, cette nouvelle tranche de jours dont je cherche encore la couleur exacte. (…)

Ici, le rythme des jours et des nuits est déterminé par les tâches à accomplir. Entre ces tâches, chacun se plonge dans une introspection plus ou moins visible. Parfois, ces moments passés avec soi-même alimentent la discussion des repas ; d’autres fois, les repas sont silencieux, comme le reste du temps. (…) Et puis il y a les visiteurs, dont aucun, pour l’instant, n’a durablement troublé le paisible écoulement des heures dans ce lieu, ce lieu qui semble à la fois hors de l’espace et hors du temps. (…)

Ce matin, vers la fin du petit-déjeuner – nous le prenons en général au chant du coq – on frappe à la porte. Deux douaniers. Ils entrent, saluent, souhaitent la bonne année et s’installent à la table, comme des habitués. D’abord des regards silencieux, teintés d’étonnement et d’inquiétude, puis on propose du café, avec ce qu’il y a sur la table. On devise, comme à l’heure de la pause, et ils repartent. Cette visite nous questionne, ils n’ont rien dit de ce que disent habituellement les douaniers, on se demande même si l’on a pas rêvé leurs uniformes, tant leur comportement à notre égard était familier. Que voulaient-ils ? (…)

Aujourd’hui, juste avant l’heure du thé, alors qu’on rentrait du bois, des chasseurs sont passés. On les a fait entrer. L’un d’eux, le plus âgé, a inspecté le bûcher, le garde-manger, la cuisine et le cellier ; il a eu l’air satisfait. En partant, ils nous ont laissé un beau lièvre, sans nous demander si on saurait l’apprêter. (…) Après leur départ, on a parlé, échangé nos impressions ; on dirait que des êtres extérieurs, visibles et invisibles, veillent sur ce lieu, sans que l’on sache exactement comment, sans que l’on sache exactement pourquoi. (…) On essaie d’y voir clair, on essaie de se rassurer. (…)