Plus que 365 jours… (17/365)

Blanc comme janvier – XVII

Des vers de Pessoa en guise de bénédicité, ça l’avait remué, il n’y aurait jamais pensé, ça chantait même en français.

Lorsqu’il avait enchaîné, en portugais, elle n’avait pas été surprise, mais n’aurait su dire pourquoi. Elle ne parlait pas cette langue mais la comprenait un peu. Elle avait repéré le dernier mot de l’avant-dernière strophe et, la dernière strophe, ils l’avaient dite ensemble. Dans la cuisine, les deux langues s’étaient mélangées et élevées dans les airs avec le fumet des légumes.

Depuis, il venait tous les jours et ils lisaient du Pessoa, chacun dans sa langue, chacun dans son livre, ouvert au même texte. Ensuite ils échangeaient les rôles, donc les livres, et chacun apprivoisait la langue de l’autre. Ça finissait souvent en éclats de rire, mais le bégaiement reculait. Dans l’après-midi, lorsqu’ils parlaient de tout et de rien, à bâtons rompus, le bégaiement perdait encore du terrain. C’est une maîtresse comme vous que j’aurais dû avoir, lui avait-il dit. Elle avait été touchée, mais se demandait aussi, tandis que le feu ronronnait, s’il connaissait la polysémie du mot maîtresse.

Oui, il connaissait.

Plus que 365 jours… (16/365)

Blanc comme janvier – XVI

Bientôt une semaine qu’ça dure, ce bal ! Le bègue revient chaque jour, presqu’à heure fixe, en fin d’matinée et repart itou, après l’heure du thé, une vraie théière c’te jardinière !

Et i’ font de drôles de choses, sans même s’cacher. Hier après-midi z’ont arpenté l’jardin, en entier, avec une ficelle et pis i’ notaient des trucs dans un carnet. Faudra qu’je guette à la commune si y a pas mise à l’enquête, on sait jamais, i’ bossait sur les chantiers, le bègue !

Y a un autre truc que j’comprends pas, i’ vient avec un bouquin des fois, ça sait lire les bègues ? Ou alors ce s’rait elle qui lui apprendrait ? Et il la paie comment, la jardinière, en nature ?