Blanc comme janvier – IX
C’est aussi le blanc qui lui fait ouvrir son carnet, lorsqu’elle rentre avec les poireaux.
Quelques centimètres de neige et le jardin lui est apparu comme une page blanche, une page à réécrire, un espace à réorganiser. Dans son carnet, elle essaie d’y voir clair. D’abord l’inventaire des graines qu’elle a, ensuite celui des graines qu’il faudrait avoir pour que le jardin les nourrisse durant toute l’année, puis un calendrier, avec une esquisse de plan, puis plus rien, le vide, les doutes. Reviendra-t-il ? Partira-t-elle ? Et même pour deux, ce potager a-t-il encore du sens ? Une page à tourner ?
Comme un automate, elle prépare les légumes pour le bouillon dont elle se réjouissait, tout à l’heure encore. Les gestes s’enchaînent, l’eau mijote, les légumes commencent à transmettre à l’eau un peu de leur couleur ; elle contemple ce spectacle mille fois vu, comme hypnotisée. Brusquement, la lumière diminue du côté de la porte-fenêtre, elle se tourne. Il y a l’homme, dans la position exactement symétrique à celle qu’elle avait tout à l’heure en contemplant la neige qui frappait aux carreaux. L’homme est entre elle et la neige qui continue à tomber, il doit avoir le dos qui blanchit. Son visage est paisible, à demi éclairé par un sourire timide. Elle fait un pas, le regarde, sourit, un pas encore, ouvre et lui fait signe d’entrer.